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"Life is not a piece of cake" | Ve dimanche du Temps Ordinaire | P. Sébastien Dehorter | 07/02/2021




La page d’évangile que nous venons d’entendre m’a toujours impressionné par l’extraordinaire déploiement de vie qui s’y manifeste. Une première scène familiale avec la guérison de la belle-mère de Pierre ; ensuite, le soir venu, à la porte de la maison, la ville entière demande à être guérie ; le lendemain, enfin, c’est toute la Galilée que Jésus parcourt en y proclamant la Bonne Nouvelle.


Par contraste, ce que Job évoque de sa propre vie est lourd et pesant. Il exprime ce paradoxe propre à tous ceux pour qui la vie n’a pas encore trouvé pleinement son sens, à savoir qu’elle est à la fois trop courte et trop longue. Si d’un côté ses jours sont plus rapides que la navette du tisserand, de l’autre, les nuits sans sommeil ou envahies de cauchemars le font soupirer : quand pourrai-je me lever ? Le soir n’en finit pas…


Si l’on revient à Jésus, on peut s’interroger : qui donc lui insuffle un tel dynamisme de vie ? Au premier abord, il semble que Jésus ne soit pas véritablement maître de la situation. En effet, aussitôt après avoir prêché à la synagogue, ils arrivent à la maison de Pierre et là, aussitôt, on lui parle de la malade qu’il va guérir. De même, le soir est à peine tombé que déjà toute la ville se presse à la porte de la maison en y apportant ses malades. Jésus apparaît comme un être sollicité de toutes parts, à la limite de l’hyperactivité, livré et mangé par les hommes et femmes de ce monde. Mais si l’on regarde bien cette première impression n’est pas tout à fait exacte. En effet, le lendemain matin, dès avant l’aube, c’est de lui-même qu’il s’est levé, secrètement attiré par le désert, la solitude et la prière. Et lorsque Simon, tout heureux sans doute d’être l’ambassadeur auprès de ses concitoyens d’un homme si extraordinaire, l’informe que tous le cherchent, cette fois-ci le Seigneur ne répondra pas positivement à sa demande. Une autre voix, plus impérieuse, lui intime d’aller ailleurs dans les villages voisins y proclamer l’évangile car, confie-t-il un peu mystérieusement, c’est pour cela que je suis sorti.


Quant à nous, que comprenons-nous du sens de notre vie ? En réalité, la plupart des hommes résolvent cette question – si non théoriquement du moins pratiquement – en considérant leur vie comme une alternance de travail et de loisir ; de choses casse-pied et de moments agréables ; d’activités embêtantes et de temps pour soi ; de devoirs à subir et de liberté à investir. Dans cette vision des choses dès que la souffrance arrive, comme ce fut le cas pour Job ou encore avec la pandémie actuelle, il ne faut pas grand-chose pour que notre monde s’écroule et que tout redevienne absurde ou sujet de révolte, puisque cette souffrance vient comme contaminer le bon côté de la vie que nous nous étions jalousement réservé et qui nous aidait à supporter le reste. Cette petite « philosophie de vie » crée une tension permanente entre les deux aspects, le pénible et le fun, en cherchant constamment à diminuer l’un et à augmenter l’autre. Et l’attitude de service, même vécu volontairement, est à minimiser ou, en tout cas, à contrôler rigoureusement : il ne s’agirait pas de donner aux autres l’entièreté de son bon temps, n’est-ce pas ?


la vie n’est plus considérée comme une relation, ce qu’elle est en vérité, mais comme une part de gâteau dont il me reviendrait d’en maximiser et le goût et la taille - pour ne pas être un looser.

Qu’est-ce qui cloche dans cette vision des choses ? En fait, la vie n’est plus considérée comme une relation, ce qu’elle est en vérité, mais comme une part de gâteau dont il me reviendrait d’en maximiser et le goût et la taille - pour ne pas être un looser. Et si vraiment il faut partager, que ce soit sans exagérer. Ce n’est pas forcément une attitude strictement individualiste et égocentrée mais on pourrait dire « amico-centrée », c’est-à-dire que les amis sont ceux avec qui on a décidé de manger ensemble le gâteau, vivant ainsi une sorte d’« égoïsme à plusieurs », ce qui n’est guère mieux.


Il nous faut donc revenir au secret de Jésus, celui qu’il nous livre après avoir prié de bon matin dans le désert : c’est pour cela – pour proclamer l’évangile à tous –que je suis sorti. Sa vie n’est pas une part de gâteau, elle est une mission reçue du Père. S’il sort chaque matin de son lit, s’il est sorti de Capharnaüm endormie, s’il est sorti du sein du Père, ce n’est pas pour tirer profit du monde, mais pour lui communiquer le trésor de cette vie en plénitude qui vient de Dieu et qu’il ne peut garder pour lui-même.


Je perçois clairement que c’est la vérité, même s’il n’est pas forcément facile de vivre selon cette vérité. Le plus étonnant est que nous avons peur d’être misérables, de passer à côté de quelque chose de la vie, alors nous restons là, à surveiller jalousement notre part de gâteau, mais au final, ce que nous vivons n’a vraiment rien d’extraordinaire. En réalité, il suffirait sans doute de donner cette petite part de gâteau pour qu’elle ne cesse de grandir et de se bonifier.


C’est encore ce qu’exprime saint Paul dans une de ces formules paradoxales dont il a le secret : libre à l’égard de tous, je me suis fait le serviteur de tous afin d’en gagner le plus grand nombre possible.


La vie est relation à Dieu. Elle est belle en tout temps.

La vie est comme une semence. C’est en se donnant qu’elle se multiplie.

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