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Xavier Joachim

"Des soldes sur les dons de Dieu", Père D. Janthial | 18E DIM. TEMPS ORDINAIRE | 2/08/2020



Aujourd’hui c’est le premier jour des soldes et le prophète Isaïe nous interpelle : « Pourquoi dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas, vous fatiguer pour ce qui ne rassasie pas ? » L’interpellation surgie du fond des âges a de quoi nous surprendre… Est-ce qu’aux temps bibliques ils connaissaient déjà la nourriture qui ne rassasie pas ou le shampooing qui ne lave pas ? Visiblement le problème est de tous les temps et de tous les lieux. Il réside dans la nature même de l’homme blessé par le péché originel qui se laisse berner par toutes sortes d’attrape-nigaud pour lesquels il va beaucoup se fatiguer, beaucoup dépenser sans que cela ne parvienne à rassasier son cœur.

Aujourd’hui c’est le premier jour du mois d’août et nous fêtons aussi Saint Alphonse-Marie de Ligori. Ce prêtre napolitain né à la toute fin du XVIIe siècle a non seulement fondé l’ordre des rédemptoristes. Certains s’amusèrent à désigner malicieusement cet ordre les rédempterroristes car ils étaient réputés pour être des prêcheurs enflammés qui, afin d’amener les fidèles à la repentance, insistaient peut-être un peu trop sur le péché et ses conséquences. Mais Saint Alphonse lui-même n’était nullement obsédé par le péché ou l’enfer. Il était plutôt fasciné par l’amour du Dieu manifesté en Jésus-Christ. Il a d’ailleurs consacré un ouvrage à ce sujet qui s’intitule : Traité de l’Amour de Jésus-Christ. Dans ce traité, voici ce qu’il écrit : « Comme Dieu savait que l’homme se laisse attirer par des bienfaits, il a voulu l’obliger à l’aimer par ses dons : ‘Ces filets, auxquels les hommes se laissent prendre, je veux les y attirer pour qu’ils m'aiment, car ce sont des liens d’amour’. Il lui a donné une âme dotée, à son image, de mémoire, d’intelligence et de volonté ; il lui a donné un corps pourvu d'organes sensibles ; c’est encore pour lui qu’il a créé le ciel et la terre avec tout ce qu’ils contiennent. C’est par amour de l’homme qu’il a créé tout cela, afin que toutes ces créatures soient au service de l'homme, et que l’homme lui donne son amour à cause de tant de bienfaits ».

Que les dons de Dieu, ceux que l’on achète et ceux que l’on ne peut pas acheter nous ramène toujours à son amour, voilà le message. Afin que nous nous attachions non aux dons mais au Donateur. Les dons passeront, les soldes aussi, mais l’amour du Christ lui demeure pour toujours. C’est encore ce que nous dit Saint Paul aujourd’hui : « Frères, qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le glaive ? Mais, en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés ». Ainsi le chrétien n’est pas invité à se priver de tout mais à accueillir tout ce qui lui est donné comme un signe, un signe que Dieu l’aime et veut le combler pour toujours.

Il y a des gens qui sont insatiables, que rien ne rassasiera jamais. Jésus, quant à lui, « ordonnant à la foule de s’asseoir sur l’herbe, prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction ; il rompit les pains, il les donna aux disciples, et les disciples les donnèrent à la foule. Ils mangèrent tous et ils furent rassasiés ». Le signe que Jésus pose aujourd’hui, celui de la multiplication des cinq pains et des deux poissons nous enseigne que seule la bénédiction – c’est-à-dire la reconnaissance que tout bien vient de Dieu et qu’il est un signe de son amour, un amour indéfectible – seule la bénédiction peut rassasier. Le bénédicité peut n’être qu’un rabâchage sans intérêt. Mais ce n’est pas parce qu’il l’a parfois été qu’il ne faut pas le pratiquer. Il représente en effet un ancrage quotidien et familial dans une attitude qui est un puissant antidote contre les pièges de notre société où certains consomment sans être jamais rassasiés ou d’autres ont faim.

La crise actuelle a renforcé encore cette situation profondément injuste et contraire à la volonté de Dieu. Alors s’il y a une chose qu’il faudrait peut-être changer dans le bénédicité c’est cette malheureuse phrase : « Et procurez du pain à ceux qui n’en n’ont pas ». Car Jésus a explicitement dit à ses disciples : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ! » La bénédiction qui reconnaît Dieu comme l’auteur de tout bien conduit au partage. Lorsque notre besoin est satisfait, laissons-nous interpeler par nos frères et sœurs qui sont encore dans le besoin. Alors que l’eucharistie que nous allons maintenant célébrer restaure en nous ces deux dimensions fondamentales de notre vie chrétienne que sont la bénédiction et le partage.

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