Après Noël et l’Épiphanie, la liturgie fait un bond de plus de trente ans. Elle nous amène à ce moment où le Seigneur est baptisé par Jean dans le Jourdain. Malgré la distance, un fil rouge unit ces trois fêtes : chacune nous présente un aspect de l’identité de Jésus. Il est tout à la fois le fils de Marie, le descendant de David et le « roi des Juifs qui vient de naître ». Aujourd’hui, la voix qui vient du ciel proclame qu’il est le Fils bien-aimé de Dieu.
Il serait intéressant d’approfondir le lien qui unit Jésus et Dieu son Père, mais attardons-nous sur le sens de l’événement pour nous. Nos pères dans la foi ont vu dans le baptême de Jésus l’inauguration d’un autre baptême. En descendant dans le Jourdain, Jésus sanctifiait cette eau dans laquelle nous sommes baptisés. En d’autres termes, ce qui s’est passé pour Jésus devient nôtre dans le sacrement du baptême. À son image, nous devenons enfants de Dieu. Mieux encore : enfants bien-aimés, et nous le sommes vraiment (1 Jn 3,1). Nous recevons également une part du même Esprit dont Jésus a été gratifié, cet Esprit qui témoigne à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu (Rm 8,16).
Ainsi le baptême est-il le lieu de notre nouvelle naissance (naissance comme enfant de Dieu); il est le commencement d’une nouvelle création. Comment ne pas voir en effet la proximité entre l’Esprit que Jésus reçoit en sortant du Jourdain et le Souffle de Dieu qui planait sur les eaux originelles au commencement du monde ?
Parmi tout ce que le baptême implique, soulignons ceci : le sacrement produit une union intime et immédiate entre le baptisé et le Dieu vivant.
Une union qui n’est pas que de mot ; une union réelle ; une union dans l’amour, et, parce que union dans l’amour, une union qui restera toujours difficile à décrire.
Allons encore un peu plus loin. Si le baptême nous apporte la présence en nous de l’Esprit vivifiant, n’oublions pas que l’Esprit est un être illimité ! Il ne peut pas ne pas bouleverser l’homme qui l’accueille. Quelle aventure attend celui qui devient enfant de Dieu, celui qui se laisse conduire par l’Esprit de Dieu (Rm 8,14) ! Qu’il ne s’étonne pas, celui-là, d’être élevé au-dessus de lui-même. L’Esprit le pousse en effet à briser ce qui entrave le déploiement de sa volonté et de sa liberté. Car c’est cela la grande limite que nous rencontrons : faire le mal que nous ne voulons pas et ne pas faire le bien que nous voudrions. Sur ce point, le conseil de saint Paul trouve tout son sens : Laissez-vous conduire par l’Esprit et vous ne risquez pas de satisfaire les tendances égoïstes de la chair (Ga 5,16).
Terminons par ces mots. Quand Paul parle du baptême, il dit que nous avons été abreuvés par un unique Esprit (1 Co 12,13). Permettez-moi d’ajouter que s’il s’agit de « boire » l’Esprit, il ne faut pas se contenter d’une seule gorgée. Ne craignez pas d’être ivres de l’Esprit. Je veux dire : puisez à la source par votre prière et votre vie spirituelle. Et rayonnons ainsi d’une vie habitée par une Présence, d’une existence qui est un mystère vivant.
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