Lors des promenades de mon enfance, il m’arrivait de passer sous un pont. Mon grand plaisir était de pousser un cri pour entendre l’écho. Noël, c’est le Christ qui naît dans l’intimité d’une famille ; c’est un petit cri. L’Épiphanie, c’est le grand écho ; c’est le Christ connu par des hommes qui viennent du bout du monde. Dans ces mages venus d’Orient, nous voyons les premiers membres de ces nations païennes qui, aux dires de Paul, sont associées au même héritage, au partage des mêmes promesses que les Juifs, c’est-à-dire qu’ils sont bénéficiaires du même salut.
Je profite de l’occasion pour souligner ce paradoxe : ce sont ceux qui sont les plus loin de Bethléem qui se sont faits les plus proches du Christ. Ils ont eu l’énergie et le courage de faire un voyage long et pénible. Ils se sont inclinés devant un enfant, non pour en retirer quoi que ce soit, mais pour l’adorer. L’Évangile dit que c’est l’apparition d’une étoile nouvelle qui a suscité leur curiosité. Peut-être les mages connaissaient-ils la prophétie de Balaam — également un païen — au sujet d’Israël : un astre issu de Jacob devient chef ; un sceptre se lève, issu d’Israël (Nb 24,17). Ils ont interprété l’apparition de l’étoile à la lumière de cet oracle : le roi des Juifs venait de naître, un descendant de David, un roi légitime, d’où la crainte d’Hérode et sa fureur meurtrière…
Mais qu’on ne s’y trompe pas… L’étoile qui apparaît n’est jamais qu’un petit cri ! Elle a un écho dans le cœur des mages. Les pères latins n’ont pas manqué de voir ce jeu de mots que permettait leur langue ; il y a en effet une ressemblance entre astre — sidus, sideris — et désir — desiderium. En apparaissant, l’étoile a allumé dans le cœur des mages le désir de connaître et d’adorer le Dieu qu’elle annonçait. L’expérience des mages est un exemple de cette loi générale que nous trouvons dans l’Évangile de Jean : « Nul ne peut venir à moi, dit Jésus, si mon Père ne l’attire » (Jn 6,44). Nous sommes à la fin du temps de Noël… Soyons bien convaincus que Dieu ne veut pas attirer seulement deux ou trois personnes, mais, comme nous l’avons entendu à la Nativité, sa « grâce s’est manifestée pour le salut de tous les hommes » (Tite 2,11). Peut-être que tous n’aperçoivent pas l’étoile ; cependant elle veut briller pour tous.
De là, tirons une double inspiration pour une pédagogie qui conduit l’homme au Christ. Il y a tout d’abord ce qui est de l’ordre de l’étoile, c’est-à-dire ce qui concerne objectivement la personne du Christ. On peut difficilement venir à lui sans connaître son histoire, son enseignement, ses faits et gestes. Mais il y a aussi ce qui est de l’ordre de l’écho intérieur. En effet, quand Dieu parle à l’homme, il s’adresse à lui en tant qu’il est un être conscient de lui-même et qu’il cherche un sens à sa vie ; en tant qu’il aspire à rencontrer Celui qui peut illuminer le mystère qui le traverse ; en tant qu’il se demande quoi faire pour être heureux. L’expérience montre que la vie intérieure des mages a grandi. Tout au long de leur marche, l’étoile les accompagnait qui alimentait leur désir de connaître « le roi des Juifs qui vient de naître ». Ils finirent par le trouver et se prosterner devant lui, par poser un acte de foi en la divinité de l’Enfant. Et ils rentrèrent chez eux par un autre chemin, signe de leur parfaite conversion.
Frères et sœurs, je vous ai parlé de l’importance de la vie intérieure. Sachons que la développer est un vrai combat. Newman disait que Satan fait tout pour diriger notre attention vers un Dieu purement extérieur à nous-mêmes et pour nous faire oublier notre propre cœur. C’est dire aussi l’âpreté de ce combat, qui vaut cependant la peine d’être mené…
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