Comme Job, comme chacun d’entre nous, le Christ est sorti nu du ventre de sa mère. Très vite, il fut lavé ; il fut emmailloté de langes qui ne lui appartenaient pas et couché dans une mangeoire.
À ce moment de son existence, le Seigneur n’a encore rien fait ; il n’a pas enseigné. Plus tard, il n’aura guère de souci pour la politique, l’économie, le droit ou les sciences. Alors, posons-nous cette question : « Qu’est-ce que Jésus a apporté à l’humanité ? Comment a-t-il enrichi le monde ? » Les pères disaient : Omnem novitatem attulit, semetipsum afferens… ce qui veut dire à peu près ceci : Jésus n’a rien apporté sinon lui-même. Notez qu’en naissant, nous aussi, nous n’apportons que nous-mêmes, mais le monde attend de nous plus que cela : que nous développions nos talents cachés, que nous le rendions meilleur, et, accessoirement, que nous payions nos impôts… Mais Jésus ne cherchera rien d’autre que d’apporter sa présence au monde. À priori, cela n’a pas l’air d’être grand chose, mais en réalité, sa présence est infinie. À Noël, le Seigneur enrichit le monde de sa présence et cela pour ne plus jamais le quitter !
C’est pourquoi, il importe aujourd’hui de considérer Jésus seul. Il ne s’agit pas de beaucoup parler de lui, mais de le contempler et de protéger ce silence qui l’entoure et nous l’offre. Je pense à cette méditation de Benoît XVI devant le Saint-Sacrement à Lourdes : « Tu es là! » Tout est dit dans cette exclamation. Plus largement, tout le christianisme est récapitulé dans la personne du Sauveur. « Souviens-toi de Jésus Christ, voilà mon Évangile ! », disait Paul. Si Newman disait en son temps que le chrétien est quelqu’un qui a le sens permanent de la présence de Dieu, on peut ajouter cette précision : le chrétien est un homme, une femme pour qui le Christ est devenu quelqu’un. Et ce fait précède toute morale, mais inspire toute action ici-bas.
Frères et sœurs, il y a quelque chose qui me frappe quand je passe à l’Esplanade, spécialement à cette période de l’année. Il y a une frénésie, une fièvre, une espèce d’ivresse qui imprègnent les foules qui y déambulent. Tout le monde se croise, mais qui se rencontre ? N’y a-t-il pas là un esprit tout différent de celui de Noël ? La contemplation de l’Enfant de Bethléem — de Celui qui n’a rien sinon lui-même — n’est pas une évasion du réel. Elle nous exerce à considérer l’autre pour qui il est et non en fonction de l’intérêt que nous pourrions en retirer. En d’autres mots, la contemplation nous prépare à cette action royale qu’est l’amour du prochain pour lui-même. Si nous apprenons à contempler le Christ, à aimer le silence qui l’entoure, notre regard sur le monde extérieur changera aussi.
L’âme humaine aura droit à plus de considération de notre part. Comparaison, jugement et jalousie seront moins à l’aise en nous… Voilà frères et sœurs quelques mots à peine. Certains curés, parce qu’il voient le jour de Noël des visages inconnus, se fendent d’un sermon plus copieux. Mais il ne faudrait pas qu’en vous parlant longuement, on brise le silence qui doit toujours entourer le Seigneur, et que mes paroles contredisent ce à quoi je vous appelle : contempler Jésus. Ne passez pas à coté de lui dans l’indifférence, mais laissez-vous gagner et convertir par sa lumière. Apprenez à discerner en lui « le plus beau des enfants des hommes » et apprenez ainsi à faire du cas de chaque âme.
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