J’entends encore ce prêtre que j’ai connu au séminaire : « l’eucharistie est le diamant de l’Église ». Cela veut dire évidemment qu’elle est son bien le plus précieux et le plus beau. Comme tous les diamants, elles a plusieurs facettes. C’est à leur agencement que le diamant doit de diffracter la lumière dans toutes les directions et de briller de tous ses feux. Cependant, on ne peut jamais voir qu’un nombre limité de facettes en même temps…
Alors, ce matin, contentons-nous de celle que saint Paul évoque dans sa première lettre aux Corinthiens ; et précisément dans l’extrait que nous avons entendu en première lecture. Le pain que nous rompons, dit-il en substance, c’est-à-dire l’Eucharistie, est communion au corps du Christ. Puisqu’il n’y a qu’un seul pain, alors, si nous communions à cet unique pain, la multitude que nous sommes forme un seul corps…
Le raisonnement est lumineux… Il met en évidence que le but de l’eucharistie, c’est l’unité, la communion d’une multitude. Par l’unique pain rompu — le Christ — et partagé, chacun adhère réellement au Corps du Ressuscité. Ainsi le Ressuscité se donne à chacun. Par conséquent, nous sommes les membres d’un même corps, plus vaste que le corps individuel du Ressuscité : le Corps de l’Église.
Remarquez que c’est le Christ qui construit l’unité ; il en est l’Artisan. Sans lui, pas de communion entre les membres. Cette unité est un des vœux les plus chers qu’il porte dans son cœur : « Que tous soient un », dit-il dans la grande prière qu’il prononce avant de souffrir sa Passion (Jn 17,21).
Quand on demandait aux chrétiens des premiers siècles quel était le grand fruit de l’eucharistie, ils répondaient : l’UNITÉ ! Peut-être n’est-ce pas cela que nous dirions aujourd’hui. Probablement parce que l’histoire a été marquées par des luttes pour défendre la foi en la présence réelle du Christ dans l’eucharistie et que nous avons pris l’habitude d’insister sur ce point. D’ailleurs la fête d’aujourd’hui n’est pas sans lien avec ces luttes. Mais nous sommes aussi marqués par une culture individualiste : quand je communie, je m’unis à Jésus et je me dispose à le recevoir. Ce dernier élément — je veux dire la conscience qu’en communiant, c’est le Christ que je reçois —, bien qu’il soit très important, ne doit certainement pas nous faire oublier l’amour qui porte le Seigneur à se donner. Pour le dire autrement, l’eucharistie ne fait pas qu’engager notre foi, elle suscite notre charité. Car si le Christ construit l’unité de son Corps par le Sacrement de l’eucharistie qu’il a instituée, cette unité est lettre morte si notre volonté n’y coopère pas ! Il faut l’attention au frère, parce que ce frère est important aux yeux du Seigneur !
Frères et sœurs, je vous l’ai dit, la foi en l’eucharistie a connu des difficultés. Peut-être est-elle difficile pour certains d’entre vous. Mais, au plan moral, l’eucharistie demande une conversion qui est un travail de toujours… Il a toujours été difficile d’aimer son prochain. Et cela, dès l’époque où le Nouveau Testament a été écrit. Saint Paul n’a pas manqué de dénoncer les manquements à la charité fraternelle dans la lettre dont nous avons entendu un extrait. Que dire de l’épitre de saint Jacques, ou des veuves lésées lors des partages dans les Actes des Apôtres (Ac 6,1)… Les déchirures que l’Église a connues au cours de son histoire furent des ruptures de la communion eucharistique ; elles ont cependant eu leur origine dans un manque d’amour fraternel entre les grandes parties de l’unique Corps du Christ. Nous-mêmes, nous avons à nous rappeler qu’en nous approchant de l’autel, il convient d’y aller avec toute notre foi, mais s’il manque l’amour, cela ne sert sans doute de rien (1 Co 13,3).
Frères et sœurs, voilà un peu plus de deux ans et demi que je suis votre curé. De plus en plus, je réalise combien cette église est le lieu idéal pour célébrer la divine eucharistie. Que de différences n’est-elle pas appelée à unir ! N’est-ce pas ici qu’elle doit montrer toute sa puissance ? Si aimer le frère que vous croisez est quelque chose de difficile, demandez au Seigneur, au cours de l’eucharistie, la grâce d’être plus aimable à son égard. Je ne vous dis pas que le Seigneur exaucera rapidement cette prière. C’est aussi dans ce but qu’un accueil a été créé. L’objectif n’est pas d’ordre cosmétique… Il s’agit d’apprendre à être attentif à l’autre, spécialement celui qui entre en ce lieu. Mon désir est que beaucoup puissent se joindre à cette initiative !
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