Si le Christ avait un téléphone, il aurait certainement sonné tout le temps. À son époque, comme aujourd’hui, c’est le règne de l’urgence : « Ma fille est à la dernière extrémité. Viens lui imposer les mains. » Un peu plus loin : « la foule l’écrasait. »
Le plus étonnant, c’est que le Seigneur ne s’alarme pas ; il reste libre par rapport à la pression ; il ne se laisse pas mené par le bout du nez par les événements. Au contraire, il garde sa paix, sa tranquillité, son assurance et même sa sensibilité : « Qui a touché mes vêtements ? »
Pourquoi le Seigneur semble-t-il être préservé de cette urgence ? Parce que ce qui est stable et évident à ses yeux, c’est la vérité de la Parole de Dieu et non la surface du réel. Quand il entre dans la chambre de la jeune fille, il s’écrie : « l’enfant n’est pas morte, elle dort ! » À l’époque de Jésus, comme à la nôtre, on savait faire la différence entre un corps vivant et un cadavre. Cependant Jésus affirme que l’enfant dort en raison de ce que le livre de la sagesse affirme dans la première lecture : « Dieu n’a pas fait la mort ; il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. »
Jésus ne nie pas que la mort existe, mais il sait mieux que quiconque que la puissance de la mort est un pouvoir usurpé. Elle n’a pas le droit d’être en ce monde. Et s’il a répondu à ce père désespéré, s’il prend avec lui Pierre, Jacques et Jean – ceux-là qu’il avait emmenés sur la montagne de la Transfiguration et dans le jardin de Gethsémani – c’est pour montrer que la puissance de la mort sera bientôt renversée.
Ceci doit éclairer ce qui se passera quand nous arriverons à la fin de nos jours. Quand nous aurons fermé les yeux, quand notre dernier souffle nous aura abandonné, quand nos amis et nos proches seront autour de nous désemparés, le Christ sera là, mystérieusement, avec sa paix infinie, et il redira : « Il n’est pas mort ; il dort. »
Voilà le changement que le Christ a apporté : il a fait de la fin de la vie terrestre de l’homme un endormissement. Et ceux qui se sont endormis, nous les mettons au cimetière, c’est-à-dire au dortoir, car le mot cimetière veut dire le dortoir.
Nos défunts y reposent dans l’attente que le Christ vienne les prendre par la main pour les réveiller. Car qui dit endormissement dit aussi réveil. Ce réveil, c’est la résurrection ; c’est la réunion du corps et de l’âme !
Toute notre prière pour les défunts – pour ceux qui se sont endormis – cherche à hâter ce moment : « Viens, Seigneur Jésus ! », crie la fin du livre de l’Apocalypse. « Fais resplendir, Seigneur, la vie par ton Évangile ! » (2 Tm 1,10)
Je voudrais terminer ces quelques mots par un conseil. Nous savons que pour bien dormir la nuit, il faut se dépenser la journée. Dépensez-vous, frères, durant les jours qui nous sont accordés ici-bas, à faire le bien que le Seigneur nous appelle à faire. Ainsi, dormirez-vous du sommeil du juste. Les cauchemars – ces cris d’angoisse et de terreur qui retentissent sans réserve dans les ravins de la mort (Ps 22), je veux dire ces reproches qui accusent notre conscience – ne vous tourmenteront pas.
Entrez encore dans ce grand endormissement avec une foi en éveil. C’est grâce à elle que vous reconnaîtrez la voix du Christ qui cherche à se faire entendre. Il vous appelle ; il veut vous guider.
Oui, le Christ parle à ceux qui se sont endormis. Il le dit lui-même dans l’Évangile selon saint Jean : « L’heure vient où les morts entendront la voix du Fils de Dieu et ceux qui l’auront entendue vivront. » (Jn 5,25) Et plus loin : « N’en soyez pas étonnés, car elle vient l’heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront la voix du Fils de l’homme et ils sortiront : ceux qui ont fait le bien pour une résurrection de vie ; ceux qui auront fait le mal pour une résurrection de jugement. » (Jn 5,28-29)
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