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Xavier Joachim

Homélie pour le 27E Dim. du Temps ordinaire - 6/10/2024 - Année B | P. Damien Desquesnes


La Mission.

Frères et sœurs, vous l’avez entendu au début de cette eucharistie, le conseil paroissial, le bureau des habitants, moi-même et mes confrères nous souhaitons porter davantage le souci de la mission. C’est d’ailleurs un vœu de notre pape François — vœu qu’il a répété lors de son dernier voyage dans notre pays — un vœu également du concile Vatican II ; et, à vrai dire, quelque chose qui appartient à l’ADN de l’église !


Mais en parlant de la mission chrétienne — une œuvre qui incombe à tous — on peut se dire ceci  : « Voilà que je dois participer à la mission de l’Église… Oui, mais j’ai peur de m’affirmer dans un monde hostile à la foi… Je ne sais pas quoi dire et encore moins par où commencer… »

Ne vous inquiétez pas de cela. Ce n’est pas le moment de se faire du souci au sujet de la manière dont il faut procéder concrètement.

Quand la question de l’action concrète se pose et que nous ne savons pas comment aborder les choses, il faut se souvenir de l’Annonciation. Rappelez-vous, l’ange Gabriel s’adresse à la Vierge Marie pour lui dire qu’elle va concevoir un fils. Elle répond à l’ange en se demandant comment cela va se faire puisqu’elle ne connaît pas d’homme. L’ange réagit en prenant de la hauteur : « l’Esprit Saint viendra sur toi… »

C’est ce qu’il nous faut faire également quand nous parlons de la mission. Il faut prendre de la hauteur. Et cette hauteur, c’est celle de la foi !


Or, que nous dit la foi à propos de la mission ? Elle nous apprend que celle-ci n’est pas d’abord une œuvre qui est entre les mains des hommes. C’est une grande chose que la mission : elle fait partie avant tout du plan de Dieu. En nous inspirant du passage de la lettre aux Hébreux que nous avons entendu en deuxième lecture, nous pouvons nous rendre compte que la mission existe parce que Dieu « veut conduire une multitude de fils jusqu’à la gloire ». Pour le dire autrement et plus simplement : le Christ précède l’Église dans sa mission.

Rappelez-vous saint Ignace d’Antioche, évêque au début du deuxième siècle. Il écrit aux chrétiens de la ville de Rome : « Jésus-Christ, depuis depuis qu’il est retourné auprès de son Père, il se fait connaître davantage ». Ignace constate que Jésus a été connu, pendant son ministère, par quelques milliers de personnes tout au plus. Mais depuis qu’il est devenu invisible — depuis son Ascension — il est connu par beaucoup plus de personnes encore, des personnes qui habitent partout sur la terre. Comment expliquer cette expansion, sinon parce que le Christ préparait les cœurs à recevoir la prédication de l’Évangile par les apôtres ?

Saint Paul aussi a fait lui aussi l’expérience d’être conduit dans son œuvre missionnaire. Par le bon sens, certainement, mais surtout par le Ciel. Par le bon sens : quand Paul arrivait dans une ville, il se rendait au lieu où il était susceptible d’être compris le plus facilement, c’est-à-dire à la synagogue. Là, nous disent les Actes des Apôtres, Paul cherchait à démontrer que Jésus est bien le Christ, le Messie promis. Mais Paul, s’il avait son idée, devait tenir compte du vouloir de l’Esprit Saint. C’est lui qui orientait ses pas. Quelquefois, l’Esprit lui interdit d’aller dans telle direction pour en prendre une autre. Une nuit, il reçoit en songe la visite de l’ange de Macédoine, lequel l’invite à se rendre dans cette région.

Moi-même, j’ai arrêté aussi de faire des plans. Je dois vous avouer que chaque fois que j’ai voulu convertir quelqu’un, je n’y suis jamais parvenu. J’ai renoncé à cela, mais j’ai pu faire aussi l’expérience d’une fécondité invisible de mes paroles et de mon attitude.


Mais il y a une autre raison, frères et sœurs, pour laquelle la mission ne peut être conçue par des plans humains. C’est que en réalité tout le peuple chrétien y participe spontanément à cette mission quand il vit l’Évangile avec simplicité et humilité, ainsi que saint François d’Assise en a montré l’exemple. Avec simplicité et humilité, c’est-à-dire quand la foi professée par chacun correspond aux actes que nous posons dans la vie concrète.

Nous avons une lettre écrite par un gouverneur romain à l’empereur Trajan au début du deuxième siècle. Il écrit que, dans sa province, les chrétiens se multiplient par contagion, comme une maladie, c’est-à-dire selon un mécanisme que l’on ne peut ni expliquer ni arrêter.

À cette époque, les hommes et les femmes étaient impressionnés de ce que les chrétiens abandonnaient subitement leur vie de débauche. Ils partageaient la même table, témoigne un texte de cette époque, mais non pas la même couche. Ils vivaient donc l’amour fraternel, mais avec une grande droiture morale. Ils cherchaient en outre à vivre en paix, à maîtriser leur colère, à se pardonner leur tort les uns aux autres. Ils veillaient aussi à ce que personne ne fût dans le besoin pour pouvoir partager une unique eucharistie.

Cela dit toute l’importance de la droiture morale pour la mission. Et je suis convaincu que le plus grand obstacle à cette mission ici à Louvain-la-Neuve, c’est mon propre péché, celui de votre serviteur.

Ce qui me rassure cependant, c’est cette vérité dont je vous ai parlé : le Christ précède l’Église dans sa mission. Il n’abandonne pas son œuvre même si nous sommes défaillants. Et il se sert de tout action accomplie avec un amour désintéressé pour répandre sa grâce ici-bas. Je ne m’explique que comme cela le nombre de personnes qui demandent le baptême et cela malgré les scandales de toutes sortes.


Terminons. Je suis en train de lire une biographie du Cardinal Suhard, qui était archevêque de Paris pendant la dernière guerre. Ce grand homme d’Église était particulièrement conscient de la nécessité de la mission en son temps. Déjà à cette époque, on pouvait faire faire l’expérience de grands déserts religieux en Europe. Il avait à cet effet fondé à Lisieux un séminaire pour des prêtres qui se destinaient à la mission en France. Il l’avait placé sous le patronage de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. C’est à elle et à Saint-François — celui qui nous invite à vivre l’Évangile avec simplicité et humilité — que je confie les âmes qui ne connaissent pas le Seigneur et sa miséricorde.

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