Permettez-moi, frères et sœurs, de faire appel à vos jeunes années, au temps où, au cours de sport, vous deviez sauter un obstacle. Il y a, à mon avis, quatre choses importantes pour réussir ce genre d’épreuve : (1) savoir où on va atterrir ; (2) bien évaluer la hauteur de l’obstacle ; (3) prendre son élan et avoir une bonne battue ; (4) par dessus le marché, ça va tout de même mieux quand on a un entraîneur à côté de soi qui nous encourage en nous disant : « Ça va aller ; tu peux le faire ! »
Pour nous, le point de chute, c’est la fête de Pâques. L’obstacle, ce sont les quarante jours du Carême ; la battue, c’est aujourd’hui (je vous rappelle que le carême commence ce mercredi).
Mais qui est notre entraîneur ? C’est saint Paul qui évoque, dans la deuxième lecture, la résurrection finale. Il en parle comme quelque chose de déjà acquis : « Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ. » Cela va aller, pourrait-il nous dire, parce que le saut d’obstacle est réussi avant l’heure.
Attertons-nous sur le fait que Paul parle de la résurrection comme d’une victoire. Pas une petite victoire, comme celles qui concluent une bataille, l’épisode d’une guerre. Non ! La résurrection est LA victoire, la victoire finale ; la victoire définitive sur le péché et sur la mort. Cette victoire est si totale qu’elle ne sera jamais contestée : la mort a été engloutie. Sa puissance est désormais éteinte. Et le péché n’est, en fait, plus capable de prendre sa revanche sur nous.
Je vous invite, frères et sœurs, à bien considérer cette vérité, à ne pas passer à côté d’elle avec indifférence. Prenez-en toute la mesure. Dans notre vie de chrétien, cette victoire est à compter parmi ce qui importe le plus.
Songez à ce paralysé que l’on fait descendre par le toit pour le mettre devant le Seigneur. Il espérait être guéri et pouvoir rentre chez lui sur ses deux jambes. Étonnamment, Jésus a trouvé plus essentiel de lui déclarer que ses péchés étaient remis. C’était à ses yeux le vrai mal dont le paralysé souffrait.
Certes, ce paralysé a été guéri, mais sa guérison n’a jamais été que le signe de la réalité de la rémission de ses péchés.
Je vous fais cette invitation pressante tout d’abord parce que la deuxième lecture me donne l’occasion d’aborder le sujet, mais aussi à cause de l’époque où nous sommes. Plus que jamais la parole de l’homme et l’entente entre les peuples deviennent relatives. Les sacrifices d’autrefois qui nous ont obtenu la liberté et la paix dont nous jouissons, on en oublie la valeur. Nous sentons que nos points d’appui sont devenus fragiles, que nos sécurités s’évanouissent, que la sauvagerie des passions n’a plus de frein.
Ce n’est pas la première fois dans l’histoire qu’il semble que la main du diable se fait plus pesante sur le monde, que les fils des ténèbres se montrent particulièrement habiles dans leurs affaires (Lc 16,8).
Nos pères dans la foi ont connu de telles époques. Ils les ont traversées. Non pas sans angoisse, certes, mais ils les ont traversées. Ils étaient à la recherche d’une patrie meilleure (He 16,11) et ils n’ont pas flanché en chemin. Et ce qui a contribué à leur persévérance, c’est précisément leur foi en la victoire totale et définitive du Christ sur le péché et sur la mort. Leur foi ne laissait la place à aucun doute.
Je me permets encore de vous conseiller le petit livre de dom Anschaire Vonier intitulé : La Victoire du Christ. L’auteur est un moine allemand qui a vécu en Angleterre. Il publie cet ouvrage en 1934, l’année qui a suivi l’accession au pouvoir d’Adolphe Hitler. Sans doute a-t-il pressenti la catastrophe qui pointait. Puissions-nous à notre tour y trouver un encouragement puissant (He 6,18).
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