Homélie pour le Vendredi Saint | 18/04/2025 | P. Damien Desquesnes
- Xavier Joachim
- 18 avr.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 avr.

Je voudrais attirer ce soir votre attention sur une difficulté inhérente à l’annonce de l’Évangile. Un difficulté dont nous ne nous débarrasserons jamais, parce qu’elle appartient à l’Évangile lui-même. Saint Paul l’exprime très bien dans sa première lettre aux Corinthiens : « Nous proclamons un Messie crucifié » (1 Co 1,23).
Frères et sœurs, si l’évangélisation n’était que l’annonce d’un Messie, il nous suffirait alors d’un peu d’enthousiasme et de quelques arguments convaincants pour la mettre en œuvre. Et si d’aventure, nous étions en panne d’exaltation ou de punch, ou si nous étions tout simplement maladroits, nous pourrions faire appel à une agence de communication. Elle nous aiderait à atteindre un plus vaste public et faire ainsi davantage d’adeptes. Elle produirait une image séduisante, présentable de l’Évangile, mais elle ne réussirait pas à faire de Jésus quelqu’un de différent de tous les hommes qui marchent sur cette terre…
Si saint Paul avait rappelé ce point difficile de son Évangile — un Messie crucifié — c’est parce que les Corinthiens, qui avaient reçu l’Évangile, se comportaient comme n’importe qui… Je veux dire qu’ils continuaient de vivre comme s’ils n’avaient pas été baptisés.
Or, accueillir un Messie crucifié demande un retournement de l’esprit, une conversion que chacun doit faire pour soi-même ; une conversion qui combat cette tendance à se laisser attirer spontanément par ce qui brille ; une conversion qui pousse à rechercher la vérité sans se laisser impressionner par les apparences. C’est là la difficulté inhérente à l’annonce de l’Évangile. Un Messie crucifié n’est pas « vendable ».
L’évangélisation et la formation des catéchumènes ne doivent pas être rébarbatives pour autant. Elles ne peuvent cependant pas négliger que le futur baptisé sera comme Paul, comme les Apôtres, et comme nous tous, disciple d’un Messie crucifié. Il devra réaliser que marcher à la suite de Jésus ne signifie pas forcement marcher dans la direction de tout le monde.
Être croyant, c’est tourner son regard vers la vérité… une vérité que Dieu nous révèle, mais que spontanément on n’a pas envie de regarder. La vérité, c’est que Jésus est le Fils de Dieu, mais il faut la discerner dans un homme accusé de blasphème par les hommes les plus religieux du monde. La justice c’est encore en lui, Jésus — l’Innocent qui fait bon accueil aux pécheurs — qu’il faut la voir, c’est-à-dire en quelqu’un dont on n’a pas reconnu les droits, supplicié comme le plus grand criminel.
Frères et sœurs, l’évangélisation, aujourd’hui, n’a pas besoin de propagandistes ni de militants pour « vendre » leur Messie. Elle fait appel à des témoins, somme l’écrit le pape Paul VI. Quand je dis « témoin », je veux dire des hommes et des femmes qui ont pris toute la mesure de la conversion que la foi demande, des hommes et des femmes qui ont entrepris de se convertir d’abord eux-mêmes, c’est-à-dire qui ont pris la résolution de combattre ce qui est étranger à l’esprit de la croix.
Par ce qui est étranger à l’esprit de la croix, j’entends également ce qui a conduit à la croix : la jalousie (celles des grands prêtres), l’amour de l’argent (Judas), la lâcheté (Pilate), la haine, la versatilité et la légèreté (les foules).
À Corinthe, au temps de Paul, les « ennemis de la croix du Seigneur » étaient pénétrés de jalousie, de rivalité et de comparaison. Ils attentaient à l’unité de l’Église ; leur comportement scandalisaient les plus fragiles.
Plus généralement, l’esprit de l’authentique témoignage grandit quand nous apprenons à aimer le Crucifié, quand nous voyons dans le chemin d’abaissement de Jésus ce qu’il y a de plus respectable au monde. C’est en aimant le Crucifié que nous pouvons peu à peu discerner la pauvreté de chaque âme et à aimer cette âme. Sans cette générosité de l’amour, l’évangélisation tape à côté ; elle est inauthentique.
Commenti