La Passion n’est plus le temps de poser des questions mais celui de donner nos réponses.
Il y a quelque chose d’étonnant aujourd’hui. Tout à l’heure, les foules en liesse acclamaient Jésus : Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ; à présent, elles réclament sa mort en criant bien fort : Crucifie-le ! Comment est-ce possible ? Mais peut-être avez-vous également remarqué que, dans le récit de la Passion, par trois fois des personnages posent des questions à Jésus et que, par trois fois, Jésus ne leur répond pas mais leur renvoie cette phrase : c’est toi-même qui le dis. À Judas, l’un des disciples : Serait-ce moi (celui qui va te livrer) ? ; à Caïphe, le grand-prêtre : Dis-nous si c’est toi qui es le Christ, le Fils de Dieu ? ; à Pilate, enfin, gouverneur romain : Es-tu le roi des Juifs ? – Jésus répond invariablement : C’est toi-même qui le dis. Un disciple, un chef des juifs, un étranger. Chacun est renvoyé à lui-même comme pour dire : la Passion n’est plus le temps de poser des questions mais celui de donner nos réponses. Essayons de mieux comprendre cela.
La première question concerne l’engagement de notre liberté. Répondre de soi. Judas semblait bien déterminé à livrer Jésus, mais à la fin, lorsqu’il comprend qu’il a condamné un innocent, il le regrette, il veut rendre l’argent, bien qu’il semble qu’il soit trop tard pour lui. N’aurait-il pas pu réfléchir davantage à sa décision ? Pierre n’est guère mieux. Il se dit déterminé à suivre Jésus jusqu’au bout, mais dès qu’une servante lui pose une question, il n’assume pas ses choix : je ne sais pas de quoi tu parles. Eh oui : comme il est difficile de poser des choix, de bons choix, d’en mesurer les conséquences, d’être fidèle au bien ! En contraste, il y a Simon de Cyrène qui porte la croix de Jésus ; il y a aussi les femmes qui l’ont suivi depuis la Galilée et qui ne l’abandonnent pas, même à l’heure de la mort. Quant à Jésus, après avoir répondu à Judas, il prend le pain… le donne à ses disciples… en disant : ceci est mon corps. Il est là le grand secret de la liberté, celui de l’amour jusqu’au bout : c’est l’Eucharistie dans laquelle Jésus se donne vraiment à nous pour que nous soyons dans le réel de la vie et non pas dans l’imaginaire. Pour répondre à la première question, il faudra donc revenir le Jeudi Saint.
Deuxième question, celle du grand-prêtre. Elle porte sur l’identité de Jésus : Es-tu le Christ, le Fils de Dieu ? – c’est LA grande question de l’évangile et celle de notre carême : « Qui est Jésus pour moi ? » Le problème, c’est que le grand-prêtre ne cherche pas à connaître la vérité mais plutôt à accuser. Sans doute, perçoit-il que si Jésus est vraiment le Fils de Dieu alors il doit devenir plus important dans sa vie et lui, il devra changer et se mettre à l’école de celui qui est doux et humble de cœur. Après avoir répondu, c’est toi-même qui le dis – « c’est à toi de répondre », Jésus rajoute : En tout cas, je vous le déclare : désormais vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant et venir sur les nuées du ciel. Un peu comme s’il disait : « Tu penses m’accuser, manipuler mes paroles à ta guise et me faire dire ce que tu veux ? En fait, on ne peut pas jouer avec la vérité. Que tu le veuilles ou non, un jour le Fils de l’homme va venir et c’est lui qui te jugera - non pas au sens qu’il cherchera à te condamner (car Dieu veut sauver tous les hommes) mais au sens où la vérité apparaîtra en pleine lumière ». Celui qui répond à la question du grand-prêtre, c’est un Centurion romain : Vraiment, cet homme était fils de Dieu, et, pour nous, ce sont les catéchumènes qui seront baptisés lors de la Vigile pascale. Car Pâques est le jour de la lumière, le jour de la vérité, le jour où la foi peut devenir simple et vraiment libératrice. Voilà pour la deuxième question.
Quant à la troisième, celle de Pilate, es-tu le roi des Juifs, elle ne reçoit pour ainsi dire aucune réponse mais seulement un silence prolongé : Jésus ne lui répondit plus un mot. Pourquoi ? Pilate est un étranger, un homme de pouvoir, et ce qu’il cherche, c’est mesurer sa part de responsabilité dans cette affaire en voulant, bien entendu, la minimiser au maximum. Bizarre, non ? Grand pouvoir, petite responsabilité ! Si Jésus se tait, c’est pour le renvoyer à sa conscience, en pesant d’un côté la foule, dont il a compris les véritables motivations, et de l’autre, la voix de sa femme qui vient le trouver, en plein milieu du procès, pour lui parler de ses songes. C’est beau, non ? La voix d’une épouse qui peut être celle de la conscience… Pilate se lavera les mains, tandis que quelques heures plus tard Joseph d’Arimathie aura le courage de lui réclamer le corps de Jésus, allant au-delà de toutes les moqueries dont le Christ venait d’être l’objet.
Répondre de sa liberté, confesser l’identité de Jésus, écouter sa conscience : nous ne pouvons pas échapper à ces questions.
Frères et sœurs, répondre de sa liberté, confesser l’identité de Jésus, écouter sa conscience. Nous ne pouvons pas échapper à ces questions. La livraison du Jeudi Saint, la lumière de Pâques, le silence du Vendredi seront pour nous ces moments favorables pour échapper aux foules et devenir des êtres libres, des disciples de Jésus. Belle Semaine Sainte à tous !
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