En ce début d’année, nous nous demandons : « que nous réserve 2022 ? » En baptisant tout à l’heure Gaston, surgit une question du même genre : « que deviendra cet enfant ? » Et parfois pour nous-mêmes, le regard se perd dans les brumes du futur : « que vais-je / qu’allons-nous devenir ? » Je ne suis pas Mme Irma et la Bible n’est pas une boule de cristal. En revanche, si les premiers chrétiens ont gardé des anecdotes autour de la naissance de Jésus, c’est probablement qu’ils avaient perçu que ces événements avaient valeur de promesse pour tous ceux qui se mettraient à l’école de Jésus. Les mages ont éprouvé une très grande joie en retrouvant leur étoile et en s’approchant de la crèche. Le texte dit très littéralement : ils se réjouirent (ἐχάρησαν) d’une joie (χαρὰν) méga (μεγάλην) super (σφόδρα) : une « super méga joie » ! Je voudrais simplement que nous puissions réfléchir ensemble au secret de cette joie.
Vous aurez remarqué que l’évangile ne donne aucune indication sur la personnalité de ces mages. En revanche, à la fin du récit, ce qu’ils vécurent autour de la crèche est minutieusement décrit au moyen de six verbes que l’on peut regrouper deux par deux : (1) Ils entrèrent dans la maison et virent l’enfant avec Marie sa mère ; (2) tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui ; (3) ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Méditons simplement cela.
1. Tout d’abord, ils entrèrent et ils virent. Un mouvement et un regard. Un regard qui se déplace, ça s’appelle une enquête, une recherche, une soif. Cela fait bien longtemps que ces hommes se sont mis en route, depuis le lointain orient et qu’avec leurs yeux, ils se sont mis en quête. Au départ, il y a eu l’étoile, puis la ville de Jérusalem, la convocation des grands-prêtres et des scribes, le regard porté sur un texte de l’Ecriture et finalement, de nouveau, l’étoile au-dessus de la maison. Le temps passé à la crèche est donc l’aboutissement d’un long chemin qui a convoqué les deux grandes sciences de l’époque - l’astronomie (le livre de la Création) et les lettres sacrées (le livre de l’Histoire de Dieu et des hommes) - avec cette conviction d’une unité profonde entre les deux.
Ce sera mon premier souhait au seuil de cette nouvelle année, le premier ingrédient de la joie : que chaque soir, nous puissions rassembler tous nos déplacements et tout ce que nos yeux auront vu (les personnes, les paysages, les écrans, les textes) et les déposer au Seigneur Jésus. Que toutes nos quêtes aboutissent à la prière. Et, inversement, puissions-nous vivre chacun de nos déplacements et chacun de nos regards comme déjà une prière : « Oui, Seigneur, dans cette course que je fais, dans ce train que je prends, c’est de toi que je m’approche ; dans cette personne que j’écoute, dans ce journal que je lis, c’est toi que je rencontre ».
2. Ensuite, tombant [à ses pieds], ils se prosternèrent. Quelle audace de la part de ces hommes ! Des gens venus de pays illustres – Inde, Mésopotamie, Assyrie, se prosternent devant un obscur petit juif ; des adultes face à un enfant ; de riches savants en présence d’un pauvre ignorant. À présent, il ne s’agit plus de chercher mais d’être, être assez souple pour se mettre à genoux, être assez humble pour ne pas imposer sa ridicule grandeur, être assez vrai pour laisser Dieu être Dieu - Dieu toujours plus grand, Dieu dont plus grand ne peut être pensé. Sans doute avez-vous entendu parler de l’étonnant itinéraire spirituel d’Etty Hillessum, jeune hollandaise juive agnostique qui, pendant la seconde guerre mondiale, va peu à peu découvrir Dieu. Dans son Journal, à la date du 10.10.42, elle note : « Quelle étrange histoire, tout de même, que la mienne, celle de la fille qui ne savait pas s’agenouiller. Ou – variante – de la fille qui a appris à prier ».
Deuxième souhait donc, deuxième promesse de joie : apprendre à se mettre à genoux, à descendre, spirituellement aussi bien que physiquement. Je me souviens que lorsque j’étais à Madagascar, il y avait un religieux, frère Prosper, qui, à chaque fois qu’il entrait dans la chapelle, se prosternait complètement en direction du tabernacle, genoux pliés, front contre terre. C’est l’une des personnes les plus humbles, mais aussi les plus dignes, que j’ai jamais rencontrées. C’était un éducateur hors-pair, précisément du fait qu’il ne se prenait pas pour l’origine de tout mais qu’il savait rapporter toute chose à Dieu.
C’est probablement l’une des causes de plus grande souffrance relationnelle lorsque des êtres qui nous sont chers sont incapables de s’ouvrir, de faire déborder de leur cœur le trésor qu’ils portent au fond d’eux-mêmes.
3. Enfin, ils ouvrirent leurs coffrets et offrirent leurs présents. C’est un geste d’offrande : ouvrir et donner. Non pas donner seulement comme lorsqu’on se débarrasse de quelque chose de superflu ou d’extérieur à soi, mais ouvrir puis donner, c’est-à-dire aller chercher à l’intime de soi, apprendre à se donner soi-même. La plupart d’entre nous sommes comme des huîtres, nous avons tellement de mal à nous ouvrir. Mais ne soyons pas résignés sur ce point, car c’est probablement l’une des causes de plus grande souffrance relationnelle lorsque des êtres qui nous sont chers sont incapables de s’ouvrir, de faire déborder de leur cœur le trésor qu’ils portent au fond d’eux-mêmes.
Nous tenons là le troisième secret de la joie : aimer, c’est se révéler à l’autre, lui ouvrir son cœur tout simplement ; aimer, c’est tout donner et se donner soi-même. Vous aurez remarqué que les cadeaux offerts sont des cadeaux inutiles (il aurait mieux valu apporter un biberon ou des lingettes). En fait : tant mieux ! La Tradition les a toujours interprétés en référence à l’identité du Christ : l’or adressé au Roi, l’encens au Dieu, la myrrhe à Celui qui allait mourir et donner sa vie pour la multitude. Sans doute qu’ouvrir son cœur à Dieu ou à ses amis, ça ne sert à rien. L’enjeu n’est pas du côté de l’avoir ou du pouvoir, mais de l’être. Ce qui est le plus important dans la vie relève-t-il de l’ordre de l’utile ou bien d’un autre ordre ? En réalité, la joie des mages leur venait de la gratuité de leur geste et c’est sans doute pour cela qu’elle fut si grande – une « super méga joie ! »
Qu’allons-nous devenir ? Que nous réserve 2022 ? Je ne suis pas un devin. Mais en nous appuyant sur la parole de Dieu, nous avons la certitude – et de manière plus certaine encore qu’avec étoile – de tenir une promesse de vie épanouie et de joie spirituelle. Demeurons des chercheurs de vérité et des chercheurs de Dieu ; apprenons à nous mettre à genoux pour laisser place à autre que nous-mêmes ; ouvrons nos cœurs pour honorer la dignité du Seigneur lui-même et celle de nos frères et sœurs. Amen.
À la fin de cette célébration ont été annoncées les fêtes mobiles de l'année :
Vous le savez, frères (et sœurs) bien-aimés :
à l’invitation de la miséricorde de Dieu,
nous nous sommes réjouis de la Nativité de notre Seigneur Jésus Christ ;
de même, nous vous annonçons la joie de la Résurrection de notre Sauveur.
Le Mercredi des Cendres, commencera l’entraînement du Carême le 2 mars.
Vous célébrerez dans la joie la sainte Pâque de notre Seigneur Jésus
Christ le dimanche 17 avril.
L’Ascension de notre Seigneur Jésus Christ sera fêtée le 26 mai.
La Pentecôte sera fêtée le 5 juin.
La fête du Corps et du Sang du Christ aura lieu le 16 de ce même mois.
Le dimanche 27 novembre sera le premier dimanche de
l’Avent de notre Seigneur Jésus Christ, à qui soient l’honneur et la gloire,
pour les siècles des siècles. Amen.
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