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Une foi lumineuse... et rationnelle! | P. Dominique Janthial | 5E DIMANCHE TO | 09/02/2020

Dernière mise à jour : 1 mars 2020



Aujourd’hui Jésus nous interpelle : « On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ». Nous ne serions pas ici si la lumière de l’évangile n’avait pas brillé un jour dans chacun de nos cœurs. Une lampe a été allumée et parfois cette lampe nous préférons la tenir cachée. Est-ce parce que nous avons honte d’être chrétien ? Il est vrai qu’en Belgique nous sommes devenus minoritaires, une petite minorité : 5% peut-être. Il est vrai que dans tous les domaines la foi est marginalisée, confinée à la sphère privée. Et du coup le baptisé lui-même a tendance à marginaliser sa foi dans l’ensemble de sa vie. Je suis chrétien mais c’est là une activité parmi d’autres : une zin, un trip qui n’affecte pas les autres aspects de mon existence. Mais il faut dire qu’en la considérant ainsi, le baptisé dénature sa foi. Car elle ne peut être un aspect marginal de son existence. Au contraire elle doit illuminer tous les domaines de sa vie : sa vie intime, sa vie familiale, sa vie professionnelle, sa vie sociale… Mais nous n’osons pas car nous pensons que la foi, c’est irrationnel.


Pourtant c’est loin d’être le cas. Prenons par exemple la parole prophétique que nous avons lu en première lecture et voyons si cette parole de Dieu est irrationnelle : « Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable. Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront rapidement. »


D’emblée on pourrait dire qu’il s’agit de pieux conseils manquant de réalisme d’autant que le prophète prend pour interlocuteur non pas celui qui est en pleine possession de ses moyens et qui rayonne de bien-être mais, paradoxalement, celui dont les forces ont disparu et dont la lumière s’est ternie. De manière surprenante, c’est donc bien à nous qu’il s’adresse, nous qui peinons à sortir de l’hiver et qui nous débattons dans les soucis matériels ou les problèmes de santé. Lorsque l’on se trouve ainsi affaibli, la réaction spontanée, naturelle – pourrait-on dire – est souvent le repli sur soi afin de consacrer le peu de ressources qui restent à résoudre ses propres problèmes. Or le prophète suggère au contraire à celui qui se trouve dans cette situation de se tourner vers plus malheureux que lui, s’il a encore du pain, qu’il le partage avec celui qui a faim; s’il a encore une maison, qu’il y accueille le sans abri; s’il a encore de quoi se vêtir qu’il songe aussi à habiller celui qui est en loques; enfin, qu’il ne se dérobe pas à son semblable mais qu’il lui vienne en aide dans sa souffrance.


Cette parole est-elle purement irrationnelle ? Certainement pas. Et il est possible d’en percevoir la justesse aussi bien au plan naturel que surnaturel. En effet, au seul plan naturel, la pertinence des conseils prophétiques est démontrable au double point de vue économique – à l’échelle d’une société – comme psychologique à l’échelle de l’individu.

Du point de vue économique d’abord. En période de morosité, celui qui dispose encore du nécessaire va avoir tendance à s’en contenter et à réduire sa consommation de superflu. La conséquence de ce comportement au niveau de la société est bien connue : la baisse de la consommation entraîne une baisse de la production – anticipée ou non – et donc une augmentation du chômage et la spirale de la récession est lancée. Que se passe-t-il si l’on suit les conseils du prophète ? Si celui qui a ce dont il a besoin se préoccupe de celui qui est dans le besoin et tâche de lui procurer la nourriture, le gîte et le vêtement, à ce moment-là la consommation de biens de première nécessité reste soutenue et la spirale de récession n’est pas enclenchée. Et si, en Belgique le nombre de ceux qui ne disposent pas de quoi se nourrir, se loger ou se vêtir était trop faible pour provoquer ce résultat, nous serions invités à étendre notre solidarité à tous nos frères en humanité. En effet, sur notre planète, l’humanité est clairement divisée en deux parties, la première qu’il faut sans cesse convaincre de consommer davantage et qui se trouve dans l’impossibilité de consommer tout ce qui est produit ; et la seconde partie de l’humanité qui est aussi dans l’incapacité de consommer mais cette fois-ci cette incapacité causée par le manque de moyen concerne non pas le superflu mais le strictement nécessaire. Dès lors, point n’est besoin d’avoir une licence en économie pour comprendre la pertinence des paroles du prophète.


Toujours au simple plan naturel, mais cette fois-ci du point de vue psychologique, les conseils d’Isaïe sont très utiles. N’avons-nous pas tous fait l’expérience lorsque nous sommes moroses que le simple d’aider des gens qui ont des problèmes matériels nous fait renouer avec la réalité et nous libère de nos angoisses. Aller au-devant de la souffrance, de la détresse matérielle est en effet le meilleur antidote contre la peur de souffrir ou de manquer qui nous ronge et nous renferme sur nous-même. Car comme le dit le prophète ce pauvre dont nous nous occupons c’est notre « semblable », notre propre chair : en nous occupant de lui, c’est à notre propre humanité que nous venons en aide.

Mais il ne faut pas en rester au plan naturel car Jésus nous a révélé que lorsque nous nous approchons de ceux qui en ont besoin, c’est lui-même que nous rencontrons. « Tout ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». On peut parler d’un véritable sacrement du pauvre, d’une présence réelle de Jésus dans le pauvre. Dès lors, il n’est pas exagéré de dire que l’initiative que nous prenons à l’égard de notre prochain est capable de produire tous les fruits surnaturels d’une rencontre avec Dieu : fruits de guérison, de pacification intérieure, de joie, d’enthousiasme, tout le contraire de la morosité et de l’apathie.


Une fois de plus nous nous rendons compte que ce que Dieu nous appelle à faire dans la foi n’est pas absurde et nous pouvons en rendre raison. Notre foi nous aide à poser des actes que l’on peut qualifier de « prophétiques » : non pas des actes absurdes mais des actes qui vont révéler l’homme à lui-même ! C’est à cela que Jésus, relayant les exhortations du prophète Isaïe, nous appelle pour que notre « lumière jaillisse comme l’aurore » et notre « obscurité comme la lumière de midi ». Sans cesse nous sommes invités à retrouver cette lumière avec notre raison afin que nous puissions davantage rayonner à la face du monde un évangile vraiment vécu.

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