Nous célébrons le 3e dimanche de l’Avent celui que traditionnellement, dans l’Église, on appelle Dimanche de Gaudete à cause du premier mot en latin du chant d’entrée de ce dimanche : Gaudete in Domino semper. Réjouissez-vous dans le Seigneur (Ph 4,4). Et, immédiatement, la question surgit : comment Saint Paul peut-il, comment ose-t-il, enfin, nous commander une telle chose ? Se réjouir ! Mais ouvrez donc les yeux que Diable ! L’heure est à la déprime pas à la réjouissance... Il y a tant de raison d’être préoccupé, d’être soucieux, d’être angoissé, d’être morne, d’être sombre, d’être morose, d’être maussade… Le philosophe français Comte-Sponville affirme ni plus ni moins qu’il faut mettre l’espérance à la porte. Mettre l’espérance et pour laisser la place à quoi ? A un « gai désespoir », suggère-t-il... C’est gai ! En fait, l’homme moderne croyait pouvoir tout arranger par sa maîtrise technique des choses et l’homme post-moderne se rend compte qu’il n’y arrive pas alors il sombre dans le désespoir. Le chemin que l’Église nous propose en ce dimanche de Gaudete est comme un troisième chemin qui s’ouvre entre ces deux voies sans issue : celle d’espérer en un Autre.
Le chemin est simple :
1/Être petit en reconnaissant notre incapacité à y arriver par nous-mêmes.
2/Pour avoir le plus de place possible pour accueillir la joie du plan de Dieu sur nous-mêmes et sur l’humanité.
La joie ne peut venir de notre propre suffisance. Cela me rappelle cette histoire : Un homme meurt et arrive à l’entrée du Paradis. St Pierre l’y accueille et lui dit, « Voici comment ça marche : il te faut 100 points pour rentrer dans le Paradis. Tu me dis tout ce que tu as fait de bien et pour chaque chose je te donne un certain nombre de points. Quand tu atteints 100 points tu peux rentrer." « Entendu », dit l’homme et il commence : « J’ai été marié 50 ans à la même femme et je ne l’ai jamais trahi même dans mon cœur ». « Magnifique ! » dit Saint Pierre, « Cela faut 3 points ! » « 3 points ? » dit l’homme. « Eh bien j’ai été à la messe tous les dimanches et parfois même en semaine et j’ai soutenu l’Église par la dîme et les services ».
- « Fantastique ! » dit Saint Pierre. « Ça vaut au moins un point ».
- « Un point seulement ? » « J’ai été à l’initiative d’une soupe populaire pour des sans-abri ». « Extraordinaire, dit Saint Pierre, cela vaut deux points de plus »
- « Deux points ! » L’homme éclate alors en sanglots : « A ce compte-là on ne peut gagner que par la grâce de Dieu ! »
- « C’est cela ! Et donc vous pouvez rentrer lui dit Saint Pierre. »
Et regardez Jean-Baptiste et Jésus. Leur relation est marquée par la joie dès avant leur naissance : Lorsque Marie rend visite à sa cousine Élisabeth, l’Écriture dit que Jean-Baptiste tressaillit d’allégresse en son sein (Lc 1,44). Et lorsque Jean-Baptiste voit paraître Jésus sur les bords du Jourdain, il dit de lui : Celui qui vient derrière moi est plus grand que moi et je ne suis pas digne de délier la courroie de ses sandales (Mt 3,11). Et aussi il faut que lui grandisse et que moi je diminue (Jn 3,30). Voilà la troisième voie que le monde ne connaît pas : la petite voie, celle de l’humilité. Elle fut déjà annoncée par le prophète Isaïe :
Les humbles se réjouiront de plus en plus dans le Seigneur, et les plus pauvres des hommes exulteront à cause du Saint d’Israël. (Is 29,19)
Comment faire ? Il s’agit de prendre en quelque sorte appui sur notre pauvreté, sur tout ce qui nous désespère en nous et autour de nous et que cela se transforme en un appel de la grâce de Dieu. Le cardinal Journet disait à l’un de ses amis : « Ce qui ne va pas, c’est que vous ne vous supportez pas vous-même, alors pourtant que JESUS vous porte avec tant d’amour ». C’est pourquoi Saint Paul ose dire : Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses, afin que la puissance de Christ repose sur moi. (2 Co 12,9).
Il ne s’agit pas en effet de se complaire dans un gai désespoir mais de laisser Jésus lui-même nous donner des raisons d’espérer : Regardez le Baptiste dans son cachot ténébreux, environné des rats et attendant qu’Hérode lui fasse couper la tête. C’est une bonne image de notre condition humaine ! Eh bien ! Jean-Baptiste va chercher auprès de Jésus des raisons d’espérer : Es-tu celui que nous espérons ? (Mt 11,3). Et pour l’encourager Jésus lui entrouvre un coin de Ciel, il lui répond par le passage d’Isaïe le plus exultant, le plus rempli de joie : « Le désert et la terre de la soif, qu’ils se réjouissent ! Le pays aride, qu’il exulte et fleurisse comme la rose, qu’il se couvre de fleurs des champs, qu’il exulte et crie de joie ! »
Ce sont les promesses d’un Dieu qui ne peut ni se tromper, ni nous tromper que Jésus rappelle au Baptiste. Non seulement cela, mais il va aussi le rassurer en lui décernant le plus bel éloge qu’un homme ait jamais reçu car cet éloge vient de Dieu lui-même : « Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste » Mais pour nous faire comprendre que cette grandeur est accessible à tous ceux qui comme le Baptiste accepte leur petitesse, il ajoute : « Cependant le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui ». En effet lorsque l’homme se tourne vers Dieu, se fait petit devant Dieu, Dieu s’empresse de le relever, de le restaurer dans sa dignité. Le monde voudrait nous faire croire que Dieu et l’homme sont en concurrence mais c’est bien le contraire : Dieu est la condition de possibilité de l’homme comme homme. Jean-Paul II le disait dans sa toute première encyclique :
« En entrant dans le Christ avec tout son être, l’homme produit des fruits d’adoration envers Dieu mais aussi de profond émerveillement pour soi-même » (R.H. 11).
Voilà ce qui nous est proposé, en ce temps qui nous prépare à la joie de Noël : aller à Jésus et aller à lui notamment dans le sacrement de la Réconciliation. Se faire petit et se mettre en vérité devant lui pour accueillir sa joie. Je me glorifierai dans mes faiblesses pour que la puissance du Christ habite en moi. Que cette phrase de Saint Paul nous accompagne et nous aide dans notre marche.
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