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BAPTÊME DE JÉSUS | 10/01/2021

Isaïe 55, 1-11. – 1 Jn 5, 1-9 – Marc 1, 7-11.



Peuple de baptisés

Après la fête de l’Épiphanie, celle de la Théophanie du Baptême de Jésus, ces deux mots signifiant manifestation. Dimanche passé, nous clôturions le temps de Noël en élargissant cette fête à toutes les nations en la personne symbolique des mages. Aujourd’hui, au seuil du temps ordinaire, nous célébrons la manifestation de Dieu à Jésus : les cieux s’ouvrirent, l’Esprit vint demeurer en lui et une voix se fit entendre : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. » C’est ainsi que Marc a choisi de nous présenter celui dont il veut nous transmettre la Bonne Nouvelle, comme il le dit dès la première ligne de son évangile. Dans un autre texte d’Isaïe, on pouvait lire cette supplication : « Ah ! si tu déchirais les cieux et si tu descendais ! » (63, 19). Voilà qui est fait. En Jésus, le ciel s’ouvre, Dieu descend parmi nous pour renouveler, de l’intérieur, notre aventure humaine.


Le don gratuit de Dieu

Les trois lectures d’aujourd’hui sont très riches, chacune à sa manière. L’extrait d’Isaïe est en fait la conclusion du deuxième livre d’Isaïe – il y en a trois en un seul volume. Que de messages dans ce texte ! Nous qui sommes habitués à une société centrée sur l’économie et l’échange marchand, il nous invite à entrer dans une autre dimension de l’existence, celle de la gratuité. C’est dans cette dimension-là que se situe Dieu. Le contexte est la joie du retour de l’exil à Babylone. Gratuitement, Dieu offre un monde nouveau à son peuple comme lorsqu’ils quittèrent l’Égypte et traversèrent le Jourdain pour entrer dans la Terre promise. Et c’est précisément dans le Jourdain que Jésus sera baptisé, lui qui est venu nous délivrer de nos esclavages en tous genres et nous faire entrer dans la liberté des enfants de Dieu.


Bien sûr, cela suppose notre assentiment. Isaïe nous le rappelle : « Que le méchant quitte son chemin, et l’homme perfide, ses pensées ! » Peut-être ne s’agit-il pas du voisin, mais de nous-mêmes ! Pour une fois, nous pouvons d’abord penser à nous ! Et Isaïe de rappeler que les pensées de Dieu ne sont pas les nôtres. Elles sont bien plus élevées. Il ne s’agit donc pas, disait un commentateur, d’une « petite morale domestique ». Le prophète nous invite à accueillir vraiment cette parole de Dieu. Si nous la laissons germer en nous, elle nous permettra de vivre de manière pleine et heureuse. Dans l’évangile de Marc, les premiers mots de Jésus vont dans le même sens : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » (1, 14).


L’eau, le sang et l’Esprit

Jésus s’est donc manifesté à nous. Il s’agit, selon la première lettre de Jean, d’une triple manifestation, d’un tripe témoignage : l’eau, le sang et l’Esprit. L’eau, c’est le baptême dans le Jourdain ; le sang, c’est celui de la croix ; quant à l’Esprit, il est descendu sur lui au baptême, a animé toute sa vie et nous sera partagé. Jean ne dissocie jamais les trois. Sur la croix, du côté ouvert de Jésus, ont coulé le sang et l’eau, symboles du baptême et de l’eucharistie de nos communautés, et il remit l’esprit (cfr Jn 19, 30. 34).

Dans l’évangile d’aujourd’hui, l’Esprit descend sur Jésus comme une colombe, celle qui annonçait un monde nouveau après le Déluge. Il entendit : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi je trouve ma joie. » Si seul Jésus semble entendre cette phrase au début de sa vie publique, lors de la Transfiguration, elle sera adressée aux apôtres. Et depuis Pâques, elle nous est adressée à chacun, nous invitant à nous mettre à la suite de Jésus, habités par le même amour du Père.


Notre identité chrétienne

C’est notre foi en Jésus, l’envoyé du Père, qui est ici proclamée, mais c’est aussi notre identité chrétienne qui nous est décrite. Nous avons été baptisés. C’est une démarche risquée ! Cela signifie que nous avons été plongés, dirait saint Paul, dans la mort et la résurrection de Jésus. Avec lui, nous nous sommes décidés à quitter ce vieux monde qui ne cesse de mourir pour entrer dans un monde nouveau « où coulent le lait et le miel », selon une image biblique.


Nous ne sommes heureusement pas laissés à nos propres forces. L’Esprit nous est donné. Il nous murmure à l’intime de nous-mêmes : Tu es aimé de Dieu, il trouve sa joie en toi. N’hésitons pas, dans notre prière, à demander cette joie. Sans elle, le christianisme n’est qu’une morale austère ! Le pape François, lors d’une rencontre avec les délégués des jésuites à Rome, les a invités à demander à Dieu la « consolation ». Dans le vocabulaire jésuite comme dans celui d’Isaïe, la « consolation » est l’expérience de l’amour de Dieu, source de notre joie.


Nous sommes dès lors un peuple de baptisés, un seul corps, le Corps du Christ. C’est cela, l’Église. Nous ne sommes pas une ONG, dirait le pape, ou encore une société inégalitaire comme a pu le dire un autre pape, au début du siècle dernier : « L’Église est, par essence, une société inégale, c’est-à-dire une société comprenant deux catégories de personnes, les pasteurs et le troupeau. » Le concile Vatican II a corrigé. Il a parlé de l’Église comme peuple de Dieu et rappelé l’égale dignité de tous les baptisés. Ne nous déchargeons pas trop vite de nos responsabilités sur le dos des clercs. Nous sommes tous pasteurs les uns des autres et, ensemble, responsables de l’annonce de la Bonne Nouvelle. Le Droit Canon ne dit-il pas clairement que tout laïc, dans certaines circonstances, peut baptiser ?

Que cette double responsabilité soit notre joie. Amen !



Charles Delhez sj



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