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Un monde nouveau! - Eric Mattheeuws


Homélie pour le matin de la Résurrection – 31 mars 2024 – Un monde nouveau !

Il y a quelques heures encore, nous étions dans le silence. Sur la croix, Jésus, après avoir crié « tout est accompli », s’est tu. Parvenu au bout de la souffrance, il est mort. Il aura fallu qu’il aille jusque là. Pour les siens, ce fut un cauchemar éveillé. L’impensable. Et puis le silence. Le silence d’angoisse déjà quand les Apôtres se sont enfuis. Le silence d’amour de Marie et Jean  au pied de la croix. Et ce matin à l’aube, le silence du deuil quand l’autre Marie se rend au tombeau. Un silence qui se déchire quand elle crie : « on a enlevé le Seigneur ! » Le tombeau vide se présente d’emblée comme un cauchemar de plus. Pierre et Jean, accourus sur place, constatent. Et Jean vit, et il crut, dit l’évangile. Mais ni lui, ni Pierre n’expriment à ce moment la moindre parole. Encore traumatisés par la mort de leur maître, les voici devant un nouvel « impensable ». Il faudra que peu à peu, les disciples soient initiés par le Ressuscité lui-même à cette réalité inconcevable de sa victoire sur la mort.

Plus rien n'est comme avant

Frères et sœurs, autant aujourd’hui qu’hier, la résurrection de Jésus reste un défi pour la pensée humaine. Impossible de nous représenter cet événement, de le concevoir de manière intellectuelle. Dès lors à Pâques nous ne célébrons pas un concept. Ce qui se trouve au cœur de notre fête, c’est une expérience. Le livre des Actes des Apôtres nous rapporte la façon dont les disciples en ont parlé : non pas comme d’une réalité qu’ils ont comprise, mais comme d’une expérience qu’ils ont vécue, d’un événement qui leur est arrivé. C’est pourquoi la parole qui annonce la Résurrection n’est pas de l’ordre de l’argument, mais du témoignage. « Dieu a donné à Jésus de se manifester à nous », disent-ils, en ajoutant même : « nous avons mangé et bu avec lui. » On aurait envie de leur répondre : est-ce que vous réalisez ce que vous êtes en train de dire ? Dans la mesure où on veut accorder du crédit à ce témoignage, on doit reconnaître qu’on se trouve là en présence d’une réalité radicalement nouvelle, un basculement du monde. C’est bien ce qu’exprimeront les Apôtres au fur et à mesure que leur expérience prendra forme et trouvera des mots pour être formulée. Dire par exemple Dieu a établi le Ressuscité « Juge des vivants et des morts » est une façon d’exprimer que l’événement de la Résurrection vient modifier jusqu’à notre compréhension de la vie et de la mort. En fait, plus rien n’est comme avant. Le tombeau trouvé vide, le linceul devenu inutile ne sont que des signes d’un univers radicalement neuf, où ce qui semblait définitif devient provisoire, et ce qui semblait vulnérable se révèle être puissant, ce qui était perçu comme fragile est revêtu d’immortalité. Voilà pourquoi Paul écrit : « vous êtes ressuscités avec le Christ. » C’est que si nous adhérons au Christ dans sa résurrection, nous sommes nous aussi désormais de ce monde nouveau.

Le pardon et la charité

Comment ce monde nouveau se manifeste-t-il concrètement, à quoi le reconnaît-on ? Voici deux exemples : le pardon, et ce que les chrétiens appellent « la charité » (en grec : agapè).

Quand on prend la mesure de la présence et des conséquences du mal dans nos vies personnelles et dans la société, il y a de quoi déprimer. Donner au mal commis par les humains le nom de « péché » signifie qu’on rapporte ce mal à une réalité plus grande que lui, un projet – celui de Dieu – vers lequel notre monde est en route et que le mal retarde. Le pardon vient alors comme une irruption du monde nouveau inauguré par la résurrection de Jésus : l’amour reprend le dessus sur la haine, il désarme le mal et la mort.

Pendant les jours de la Passion, nous n’avons pas pu ne pas penser à l’Ukraine, à la bande de Gaza, au Congo, à l’Afghanistan et tant d’autres situations de souffrance. Dans tous ces lieux sont posés des gestes chrétiens de charité. Plus proche de nous, je pense à une femme de notre paroisse qui est infirmière dans une institution pour personnes lourdement handicapées.  Au-delà d’une nécessaire solidarité humaine, ces engagements sont, au cœur de l’horreur ou de la grande souffrance, un prélude d’espérance, une proclamation de la Résurrection.

Frères et Sœurs, nous qui sommes du Christ, adhérons à sa résurrection, pardonnons et aimons ! Sainte et heureuse fête de Pâques !

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