Homélie le 20e dimanche C | 17/08/25 | Abbé Eric Mattheeuws

« Je voudrais brûler ! »

Est-ce ce n’est déjà pas assez difficile comme ça de vivre en paix dans nos familles, pour que Jésus ne doive nous ajouter des obstacles supplémentaires ? « Pensez-vous que je suis venu mettre la paix sur la terre ? Non, mais bien plutôt la division » : cette phrase a de quoi nous laisser perplexes. Pour nous aider, souvenons-nous que le mot « paix » peut avoir plusieurs sens. Ici, on pourrait traduire ainsi les mots de Jésus : « je ne suis pas venu apporter la tranquillité, l’insouciance et la sécurité ». C’est différent de son message à la Dernière Cène : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix » : là, il s’agit d’une réalité bien plus profonde, indépendante des circonstances favorables ou défavorables dans lesquelles on peut se trouver. Cette paix était celle qui l’habitait, alors même que justement il a tout fait sauf chercher la sécurité et la tranquillité. Si c’est ces dernières qui comptent le plus pour nous, il vaut mieux ne pas être disciples de Jésus. Et voilà bien l’objet de son message d’aujourd’hui : si Jésus a rencontré de l’hostilité, sachons que ce sera le cas de ceux qui veulent le suivre. Ce fut déjà l’expérience du prophète Jérémie, bien des siècles plus tôt, lui qui anticipait les souffrances du Christ en endurant des quantités de tourments. Dans l’histoire de l’Église, nombreuses sont les figures qui témoignent de cette même réalité. Dans notre paroisse, nous connaissons bien saint François. Il fut homme de joie et d’allégresse ; mais n’oublions pas que son chemin est passé, quand il avait environ 20 ans, par une forte rupture avec son propre père. Sainte Claire a d’ailleurs suivi ses traces quelques années plus tard, quand à 18 ans elle s’enfuit du château familial de nuit et par la fenêtre. Plus proche de nous, le bienheureux Pier Giorgio Frassati, qui sera canonisé le 7 septembre, a connu lui a aussi l’hostilité des siens. Voilà un jeune homme plein de vie d’enthousiasme, aimant le sport et l’amitié. Dès son adolescence et jusqu’à sa mort à 24 ans (en 1925), inspiré par un grand amour du Christ, il consacra une immense énergie à visiter les familles les plus pauvres dans les quartiers mal famés de Turin… mais ce fut en cachette, à l’insu de ses parents. Ces derniers ne manquaient d’ailleurs pas de lui reprocher son excès de piété. Nous pourrions continuer la liste. Mais est-ce que nous ne savons pas déjà tout cela ? Ne nous est-il pas déjà arrivé de nous trouver dans des circonstances où il nous apparaît clairement que, si nous voulons vraiment nous laisser inspirer par l’Évangile, nous allons parler ou agir d’une manière qui nous attirera de l’incompréhension, sinon des ennuis ? Par exemple, à diverses reprises j’ai entendu que dans des familles il y a des sujets qu’on se garde d’aborder, afin d’éviter les tensions. Surtout pas de vagues, la tranquillité d’abord ! Peut-être que parfois il vaut mieux se taire. Mais pas toujours. En tout cas, c’est ce que Jésus indique clairement aujourd’hui à ses amis. « Même dans les familles, il y aura des divisions. »

Est-ce que tout ceci doit faire de nous des chrétiens tristes, aigris ou découragés ? Jamais de la vie, et c’est Jésus qui nous dit pourquoi : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » Ce qui a conduit Jésus à travers tout et même jusqu’à la croix, c’est une impatience, un enthousiasme, une « passion ». Un feu ! Et c’est bien sûr le cas de François, Claire, Pier Giorgio et tous les autres : en eux brûle ce même feu. Tous ils sont animés par cette joie, cet enthousiasme, cette passion. Même dans les moments douloureux, leur traversée des hostilités ne fut pas une punition mais un chemin vécu dans la force et l’élan qui leur venait de leur union à Jésus.

Frères et Sœurs, le Seigneur ne nous demande pas de chercher les ennuis pour les ennuis. Mais il met dans nos cœurs un désire de le suivre. Alors désirons le feu ! Désirons brûler de l’élan et de la passion qui viennent de lui. C’est tout ce qui compte. Et on verra bien par quel chemin il nous emmène, vers ce monde et cette vie tellement beaux et désirables qu’il appelle son Royaume.