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Homélie pour la fête de Christ-Roi de l'univers I P. Damien 21/11/2021




Dimanche dernier, il était question de cette grande détresse dont un élément était la perversion du langage, faisant perdre aux hommes leurs points de repère. L’Évangile nous laissait ceci : « Le ciel et la terre passeront ; mes paroles ne passeront pas. »


Aujourd’hui, il est encore question du sens des mots. Voilà Jésus traîné devant Pilate. Il doit se justifier de sa prétention à la royauté. En l’interrogeant, Pilate a peine à saisir la portée des paroles de Jésus. Il ne veut pas aller au fond des choses. Il préfère se moquer plutôt que de chercher à comprendre : « alors, tu es roi ? »


Qu’importe… Le Seigneur n’entre pas dans les querelles de mots. Il ne dévie pas de son chemin et cherche seulement à rendre témoignage à la vérité, renvoyant à eux-mêmes ceux qui en restent à des vues humaines : « ma royauté n’est pas de ce monde. »


Que pouvons-nous dire de cette royauté, puisqu’elle n’est pas de ce monde ?


S’agissant d’elle, nous voyons qu’elle éclate de façon évidente dans des visions, celle qu’on trouve dans le livre de Daniel, par exemple. Le Christ y apparaît sous les trait de ce mystérieux Fils de l’homme : « sa royauté ne sera pas détruite ». Il y a cette autre vision dont parle l’Apocalypse : le premier-né d’entre les morts est aussi le « prince des rois de la terre ».

Cette royauté brillera encore aux yeux de tous les hommes quand ceux-ci verront Celui qu’ils ont eux-mêmes transpercé.


Quel paradoxe ! La royauté de Jésus a comme deux facettes. D’un côté, quand on en reste à ce que ce monde livre à nos sens, l’Évangile indique que le sommet de la royauté de Jésus, c’est la croix. Mais pour ce regard qui pénètre au-delà du voile des apparences, Jésus est couronné d’honneur et reçoit une gloire universelle.


Or l’homme de foi sait la valeur de la vision ; il aspire même à celle-ci parce qu’il veut voir ce en quoi il croit. La foi trouve dans la vision sa confirmation ; elle trouve encore en elle la révélation du dessous des cartes, c’est-à-dire le sens des événements que traverse le croyant.


Ainsi, la vision de la royauté glorieuse du Christ permet de réaliser que ce monde qui a transpercé Jésus est un monde à l’envers, un monde qui a perdu sa justice et son bon sens originels, sa clairvoyance au sujet des chemins de Dieu. Il n’est pas en effet dans l’ordre des choses de rejeter celui qui est venu chez les siens et qui avait plein droit d’être accueilli.


Pour les premières générations chrétiennes, il était évident que la résurrection était l’intronisation de Jésus dans une royauté glorieuse. Elles avaient cette conviction. Elles étaient pauvres aussi, et sans culture, mais la foi leur a donné l’audace de paraître devant les puissants et de ne pas faire de compromis avec la vérité. L’apôtre Pierre, par exemple, quand il est sommé par les membres du Sanhédrin de cesser d’enseigner le nom de Jésus, leur répond qu’il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes : « nous ne pouvons pas ne pas publier ce que nous avons vu et entendu ».


La résurrection leur avait appris que les puissants ne sont pas de vrais rois. S’ils tiennent quelque puissance, c’est parce qu’ils se font craindre ultimement par un pouvoir de donner la mort. Or cette menace ne fonctionne plus.


Le Christ règne – et il règne effectivement – sans utiliser le jeu de la crainte ou de la menace. C’est là l’originalité du règne du Christ… Et pour cela que nous le désirons. Et celui qui appartient à la vérité et qui écoute sa voix – celui qui fait partie de son royaume – ne peut dès lors user des procédés des puissants envers les autres : manipulation, chantage, convoitise, intérêt, injustice, mensonge, moquerie… Il doit considérer l’autre comme une vraie personne ou, comme le dit Paul, un frère pour lequel le Christ est mort. Telle est la loi du royaume ; tel est l’ingrédient de l’authentique charité.

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