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Prier comme une pauvre veuve | Dominique Janthial | 29E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE | 20/10/2019

Dernière mise à jour : 1 mars 2020



Aujourd’hui, Jésus nous entreprend sur la prière de demande. Sujet brûlant si l’en est. Nous avons tous « un œuf à peler » avec le Bon Dieu à ce sujet. Cela remonte souvent à l’enfance. Nous avons prié pour que nos parents s’entendent bien ou pour que telle personne chère ne meurt pas sans être exaucés. Y a t’il pourtant prière plus légitime ? Et si Dieu ne nous exauce pas pour des choses aussi fondamentales, à quoi bon lui demander son aide pour des choses plus secondaires? Face à ce type de scandale nous nous blindons tous plus ou moins et entretenons avec la prière de demande un rapport vaguement schizophrénique: Nous ne demandons rien à Dieu sauf quand on a épuisé tous les autres recours. « Aide-toi le Ciel t’aidera! » devient la règle. Mais nous oublions que cet adage n’est pas parole d’Évangile.


L’enseignement de Jésus est tout différent. Reprenons les termes de la parabole de ce soir afin de comprendre ce qu’il veut nous dire. Deux personnages: un juge qui ne craint pas Dieu et qui se moque des hommes et une veuve. Dans l’Orient Ancien, la triade veuve, orphelin, étranger représente la classe de ce que nous appellerions aujourd’hui les « exclus ». La veuve n’a aucun droit, ni aucune protection, elle est à la merci du bon vouloir des puissants au premier rang desquels se trouve évidemment le juge. Celui-ci a en effet un pouvoir discrétionnaire, quasiment de vie ou de mort sur les plaideurs.


On peut se demander quelle aurait été la réaction du juge devant une requête présentée par quelqu’un de moins désarmé que la pauvre veuve, quelqu’un qui prétendrait avoir des moyens de pressions pour obliger ce juge inique a rendre la justice comme il convient. Il y a fort à parier que bien loin d’accéder a sa requête, il aurait eu plaisir à lui montrer sa puissance. Ce détail de la parabole n’est pas sans importance: quelle est notre attitude quand nous nous présentons à Dieu nos requêtes? Sommes-nous vraiment dans cette attitude d’humilité conscient de n’avoir aucun droit devant lui. Ou bien sommes-nous dans une attitude revendicatrice comme celui qui a des droits et prétend les faire respecter. Je pense que la veuve a conscience de n’avoir aucun droit. Ce qui ne l’empêche pas d’être persévérante mais dans une humilité parfaite car elle sait que tout - y compris sa vie - dépend du bon vouloir de ce juge. Notre orgueil dessert souvent notre prière: nous nous présentons devant Dieu plein de nous-mêmes et dès qu’il nous fait un peu patienter nous partons en levant les bras (alors qu’il aurait fallu les lever avant en signe d’humilité comme Moïse lors de la bataille contre Amalec!)


Rien ne nous donne des droits sur Dieu. Pas même notre prière. Il y a des gens certainement parmi les plus respectables qui accumulent les neuvaines et qui disent: « j’ai quand même fait dix neuvaines à cette intention et je n’ai rien vu venir. » Ne tombent-t-il pas, malgré leur piété admirable, sous le coup de l’avertissement fait par Jésus: « En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens, qui s'imaginent qu'à force de paroles ils seront exaucés » (Mt 6,7).


Dieu nous exauce beaucoup plus profondément, bien au-delà de ce que nous pouvons demander ou même imaginer. Mais il a besoin de notre foi.

Au fond, le fruit le plus certain de la prière de demande est de nous faire entrer dans la juste attitude de cœur: de la persévérance naît la fidélité - comme l’affirme Saint-Paul (Rm 5,4) de la fidélité l’espérance qui est une réelle disponibilité à l’action de Dieu. Et c’est ainsi que Dieu fait de nous des justes. Il ne faut pas en effet se méprendre sur le sens de la conclusion de cette parabole: Dieu fait justice en justifiant profondément. Si le juge même inique a le pouvoir par sa seule parole de transformer un présumé coupable en innocent, à combien plus forte raison, la parole de Dieu qui a créé les mondes peut-elle nous recréer profondément. C’est ainsi que Dieu nous exauce beaucoup plus profondément, bien au-delà de ce que nous pouvons demander ou même imaginer. Mais il a besoin de notre foi. Laissons donc résonner dans notre cœur sur l’appel pressant que le Seigneur nous adresse aujourd’hui: « Jésus leur dit: Entendez ce que dit le juge inique. Et Dieu ne justifiera-t-il ses élus, qui crient vers lui jour et nuit, et tardera-t-il à leur égard? Je vous le dis, il les justifiera promptement. Mais, quand le Fils de l'homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre? » (Lc 18, 6-7)






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