Un peu plus loin que l’extrait de la lettre de Paul aux Corinthiens que nous avons entendu en deuxième lecture, l’apôtre s’évertue à rendre compte de la résurrection de la chair (voir 1 Co 15,35-53). Il s’épuise à nous l’expliquer à l’aide de multiples comparaisons qui, à la vérité, peuvent laisser certains sur leur faim. Encore une remarque au sujet de Paul : il ne parle pas de la Vierge Marie — sans doute n’a-til pas eu l’occasion de fréquenter le milieu qui l’entourait — sauf à un endroit, dans sa lettre aux Galates. Il écrit à cette communauté : « Quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme… » (Ga 4,4).
Voilà qui est peu, mais comme un bon inspecteur de police qui tâche de tirer un maximum d’éléments du plus petit indice, nous pouvons faire ressortir deux choses de ce verset. Premièrement, Paul rappelle que la Vierge Marie est une femme, une fille d’Adam et Ève. C’est l’évidence. Et le fait que nous célébrons aujourd’hui son triomphe ne nous autorise pas à mettre de côté son appartenance à notre humanité. Jamais le lien entre la Vierge et nous ne sera dissous, ni même détendu.
Deuxièmement, de cette évocation de Paul, nous pouvons reconnaître le rôle irremplaçable de la mère de Jésus dans le plan de salut de Dieu. Sans elle, le Fils éternel n’eût pas pu naître dans le cours du temps : pas d’Incarnation. Sans elle, nous n’aurions pas pu toucher, voir, ni entendre le Verbe de Vie (1 Jn 1,1). Sans elle, le Christ n’aurait pu ni souffrir, ni mourir, ni ressusciter des morts. Peut-être aurait-il fait irruption dans notre monde autrement, un peu comme l’Ange du Seigneur, c’est-à-dire de manière puissante certes, mais fugace. Mais alors, il ne n’aurait pas assumé le poids de notre humanité, y compris celui de la chair. Nous n’aurions pas été sauvés tout entier : le plan de Dieu pour racheter le genre humain n’aurait pas eu plus d’effet qu’un pétard mouillé.
Je vous dis cela, frères et sœurs, pour réaliser tout ce que, d’une certaine manière, Dieu a comme dette à l’égard de la Vierge Marie. Elle lui a fait en quelque sorte l’aumône de son âme vertueuse et de sa chair pure. Lorsque l’Ange Gabriel entra chez elle, elle n’a pas retenu son consentement. Autant a-t-elle été spontanée dans sa réponse à l’Ange, autant Dieu la paie de retour : sa récompense, elle n’a pas dû l’attendre. À la fin de sa vie terrestre, elle n’a pas connu la corruption du tombeau ; elle a été élevée au ciel dans son âme et son corps. Si vous voulez, la résurrection de la chair a déjà eu lieu pour elle (nous, par contre, nous devrons attendre un peu… patienter jusqu’à la fin de l’histoire). C’est cet événement que nous célébrons aujourd’hui. Nul doute que si Paul avait mieux connu la sainte Vierge, il aurait eu moins de peine à nous parler de la résurrection de la chair. Que l’apôtre me pardonne de parler ainsi de lui ce matin.
te envers elle. Elle est le seul membre de notre humanité à n’avoir jamais offert de résistance à l’Esprit. Elle a dit « oui » — un oui spontané — alors que, quand on nous demande quelque chose, il y a toujours un peu de réserve dans notre chef. Et une fois ce oui donné sans condition, il n’a plus eu de barrière dressée en face de la grâce. Nous lui sommes encore redevables non pour le passé, mais pour l’avenir : bien qu’elle soit au ciel, elle appartient toujours à notre humanité. Si le monde de la résurrection est le sien, elle y brille pour nous comme un signe d’espérance pour les croyants… un signe grandiose dans le ciel (Ap 12,1). C’est pourquoi, quand nos cœurs se tournent vers elle pour lui rendre un juste hommage, comme en ce jour, une certitude s’empare de nos esprits : le Christ n’a pas pu nous mentir ; sa promesse, il la tiendra. Il nous ressuscitera, le moment venu, au dernier jour. Dès maintenant, travaillons pour qu’au jour où il viendra, il reconnaisse en nous les traits spirituels de sa mère : sa foi obéissante, sa fidélité et sa généreuse charité.
Comments