Homélie pour le 14e dimanche C | 6/07/25 | Abbé Eric Mattheeuws

« Notre jardin et le monde »

Le jardin

Dans les trois lectures de ce dimanche, on trouve un même contraste entre d’une part la souffrance et la violence vécues à l’extérieur et la paix qui se trouve à l’intérieur du cœur des croyants. Isaïe s’adresse à un peuple en grande détresse suite à l’invasion et l’exil. Mais il leur dit : réjouissez-vous, exultez ! Saint Paul écrit qu’il « porte dans son corps les marques des souffrances de Jésus », et nous savons en effet qu’il a traversé toutes sortes d’épreuves liées à sa mission. Cela ne l’empêche pas d’estimer qu’il est une « création nouvelle ». Quant à Jésus, il faut se souvenir qu’il appartient à un peuple qui vit sous occupation militaire, gravement opprimé, vivant dans l’angoisse et la misère. Or il envoie ses disciples être porteurs de douceur et de paix dans ce monde de loups et de violence. La lecture de ces trois textes nous montre que, la joie, la nouveauté et la paix qui sont évoquées ne pouvant pas venir des circonstances extérieures, elles doivent forcément jaillir de l’intérieur du croyant, des profondeurs de son cœur. Ce dont témoignent Isaïe, Paul et Jésus, c’est une forte expérience intérieure, qui fait jaillir en eux une vie toute nouvelle, prête à rayonner au-delà d’eux-mêmes. Frères et Sœurs, au cœur de cet été, recevons donc cet appel : prenons soin de notre jardin intérieur ! Un jardin qu’on visite souvent est rarement envahi par les mauvaises herbes. Travaillons note terre, prenons du temps, veillons à ressourcer notre cœur. Nous tous qui traversons toutes sortes de circonstances et qui sommes affectés par ce qui arrive à nous-mêmes, à nos proches ou dans le monde, maintenons vivante notre intériorité puisque le Seigneur peut y déposer joie et paix.

Le monde

Dans l’évangile, nous voyons Jésus envoyer ses disciples en mission. Il y en a 72 : c’est-à-dire que leur mission s’étend à toutes les nations de la terre. Je suis frappé par l’état d’esprit dont Jésus dessine les contours pour cette mission : totale gratuité et grande liberté ! « Ni bourse, ni sac, ni sandales » : comme les pèlerins de Compostelle qui, d’étape en étape, allègent leur sac, découvrant la liberté de celui qui possède peu. « Dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : ‘Paix à cette maison.’ » : les disciples ne doivent pas se soucier de à qui ils offrent les dons de Dieu, car ils sont gratuits. Ils peuvent entrer dans n’importe quelle maison, sans savoir ce qu’on fera de la parole qu’ils y apporteront. Le Seigneur ne se formalisera pas si en certains endroits ses dons ne sont pas reçus. Les missionnaires doivent les distribuer gratuitement. Et librement. J’ai lu une note explicative sur un verset qui de prime abord m’apparaissait sans importance : « Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qui vous est présenté. » Or ces hommes que Jésus envoie, tous Juifs, étaient censés se plier à une série d’interdits alimentaires qui manifestaient leur lien à Dieu. Du coup cette phrase de Jésus paraît surprenante. Pour lui, les disciples en mission peuvent manger de tout : leur lien avec Dieu passera à ce moment-là précisément par cette mission qu’ils accomplissent et par l’Esprit qui travaille en eux. Liberté, donc, par rapport à Dieu. Liberté aussi par rapport aux humains et aux résultats de la mission : si on ne vous accueille pas, secouez la poussière de vos pieds et allez ailleurs, tout simplement. Et quand votre mission sera féconde, n’en tirez pas de fierté personnelle : que votre joie soit dans l’amour que vous recevez de Dieu. Liberté et gratuité !

Frères et Sœurs, nous sommes de ces 72. Qu’attendons-nous pour, tout en cultivant notre jardin intérieur, aller distribuer partout, sans inquiétude, les dons de vie, de bonté et de paix que le Seigneur veut nous faire porter !