La solennité du Corps et du Sang du Christ | 22/06/25 | Abbé Jérémie Kalumire

L’évangile de ce dimanche nous montre le lien qui existe entre l’Eucharistie et le miracle de multiplication des pains.

Au début du récit de l’évangile, Jésus parle du règne de Dieu et il guérit ceux qui en avaient besoin. Mais par la suite, il se pose un problème : le jour commençait à baisser. Pour ne pas se laisser surprendre par la nuit, très sagement les disciples suggèrent la solution : il faut disperser cette foule, renvoyer tout le monde ; chacun pourra régler son problème de logement et de nourriture. Mais Jésus ne retient pas cette solution de dispersion. Et pourquoi ? Certainement que le Règne de Dieu qu’il annonce ne cadre pas avec des solutions de dispersion. Jésus dit sa solution à lui : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Sa solution est facile à dire mais comment faire ? Les disciples sont réalistes : « Nous n’avons pas plus de cinq pains et deux poissons » ; cela pourrait aller pour une famille, peut-être, mais pour cinq mille hommes, c’est dérisoire. Alors ils ont l’idée d’une deuxième solution : nous pourrions « aller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce monde ». C’est déjà beaucoup mieux ; ce n’est pas une solution de dispersion ; les disciples sont prêts à se mettre au service de cette foule. Mais, Jésus ne les laisse pas partir faire les courses. Il a une autre solution ; il ne leur fait pas de reproche, il leur dit simplement : « Faites-les asseoir par groupes de cinquante ». Il choisit donc la solution du rassemblement et forme les disciples à cette mission. C’est à eux de rassembler les foules. Ainsi, le règne de Dieu est un rassemblement, un rassemblement organisé ; un rassemblement des communautés. C’est ce qui se passe chaque dimanche dans nos églises.

Par ailleurs, dans le récit de la multiplication des pains, nous retrouvons les mêmes gestes du soir du Jeudi Saint : « Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il les bénit, les rompit et les donna à ses disciples. » Dans la formule « Préparation des dons », il faut entendre que quand nous apportons à l’autel du pain et du vin qui sont symboliques de tout le cosmos et de tout le travail de l’humanité, nous reconnaissons que tout est don de Dieu : que nous ne sommes pas propriétaires de tout ce qu’il nous a donné. C’est bien dans ce geste de dépossession que nous comprenons que le miracle n’est pas tant la « multiplication des pains » que la capacité de partager le peu que nous avons : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ». Nous ne pouvons pas nous contenter de prier le Christ pour qu’il donne à manger à ceux qui ont faim. Lui-même nous renvoie à notre mission : prendre ce que nous possédons, même si c’est peu de chose et le partager avec ceux qui ont faim. Une pauvre femme répondait un jour à Saint Vincent de Paul : « Si les pauvres ne partagent pas entre eux, qui le fera ? »

Puis quand le repas est terminé, vient un autre service : ramasser soigneusement ce qui reste. En effet, il y aura encore d’autres foules à nourrir. Tout au long des siècles, il faudra continuer à distribuer les dons de Dieu. Saint Paul nous dit : « Je vous ai transmis ce que j’ai reçu de la tradition. » Cette transmission n’est pas un savoir intellectuel. Elle est l’entrée dans le mystère du Christ. Paul fait un lien direct entre la Passion du Christ et le don de sa vie. De ce contexte de haine et d’aveuglement, Jésus va faire le lieu de l’amour et du partage : « mon corps est pour vous…cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang. »  Quand les fidèles communient à chaque Eucharistie, ils proclament la mort du Seigneur, c’est-à-dire son témoignage d’amour jusqu’au bout, jusqu’à ce qu’il vienne.

En cette fête du Corps et du Sang du Christ, l’eucharistie est beaucoup plus qu’une célébration de piété individuelle. Elle nous invite au partage, à la fraternité, à l’accueil des autres. Remercions le Seigneur pour nos rassemblements du dimanche, pour nos communautés chrétiennes et pour la présence de Dieu parmi nous.