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"5 exercices de gratitude" | Homélie du 4ème dimanche du Carême | P. Sébastien | 14/03/21




Ce dimanche est le « dimanche de la joie ». Pourtant le mot est très discret dans les lectures d’aujourd’hui. Il n’apparaît que deux fois au milieu et à la fin du psaume. Ce psaume, plein de nostalgie, nous rappelle que les exilés d’Israël, assis au bord des fleuves de Babylone, refusaient de chanter pour leurs bourreaux qui leur demandaient des airs joyeux. Mais eux répondaient : Comment chanterions-nous un chant du Seigneur sur une terre étrangère ? Plutôt devenir muet que d’oublier Jérusalem : Que ma langue s’attache à mon palais si je perds ton souvenir, si je n’élève Jérusalem au sommet de ma joie. La joie de ce dimanche est donc une joie d’exilés, pour eux comme pour nous, car nous n’avons pas encore célébré Pâques. Elle se nourrit du souvenir de ce que Dieu a déjà réalisé dans l’histoire du salut ; elle s’alimente de l’avenir, de ce que nous pouvons attendre légitimement de lui. Je vous propose donc ce matin de nous préparer à cette joie en faisant ce qu’on appelle aujourd’hui un « exercice de gratitude », c’est-à-dire en puisant dans l’Ecriture tout ce qui peut nous causer joie et allégresse.


1. Dieu est amour, il est miséricorde. Déjà au temps de l’exil, le Chroniste notait que le Seigneur, le Dieu de leurs pères, sans attendre et sans se lasser, leur envoyait des messagers, car il avait pitié de son peuple et de sa Demeure. Saint Paul le dit avec force : Dieu est riche en miséricorde ; [c’est] cause du grand amour dont il nous a aimés… [qu’] il nous a donné la vie. Par-là, il montre à tous les âges la richesse surabondante de sa grâce. Et en saint Jean, nous entendons Jésus nous dire que Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils Unique. Première cause de joie, donc, l’être même de Dieu, sa personnalité pourrait-on dire : ce n’est pas un être froid et indifférent mais au contraire chaleureux, passionné même, un être où la joie et l’amour circulent avec tant de jubilation que finalement ils ne peuvent être contenus en lui-même.


2. Dieu a manifesté cet amour en nous envoyant inlassablement des prophètes, plus encore en nous donnant son propre Fils. Plutôt que de se lamenter que les envoyés de Dieu ont été tournés en dérision, méprisés et moqués, réjouissons-nous d’y reconnaître une première manifestation de l’amour de Dieu. Et cela continue aujourd’hui. Même si nous n’y sommes pas attentifs, même si parfois nous refusons de le voir ou de le reconnaître, Dieu ne nous refuse pas son amour. La Parole des Écritures que nous entendons, les témoins de la foi, les avertissements parfois, la chaleur d’une communauté qui nous accompagne sont autant de manifestation de cet amour. Evidemment, le sommet de la joie, plus encore que Jérusalem, c’est Jésus, le propre Fils Unique de Dieu, qu’il nous a donné. Jésus a été envoyé dans le monde non pas pour juger le monde mais pour que par lui le monde soit sauvé. Dieu n’est plus seulement un Dieu caché, il nous a montré son visage, il nous a parlé de lui comme un ami, il nous a ouvert son cœur, il est venu habiter parmi nous.


3. Tout cela est gratuit : c’est par grâce que vous êtes sauvés. Voilà une cause de joie supplémentaire. Dieu ne fait pas de distinction entre les personnes. Il a le souci de tous, généreusement, comme le semeur ; ou encore, selon la parole de Jésus, le Père du ciel fait lever le soleil sur les bons comme sur les méchants. Nous n’avons donc pas à être stressés pour savoir si nous allons mériter l’amour de Dieu. Non, c’est purement gratuit : Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Cela ne vient pas des actes : personne ne peut en tirer orgueil. Quelle joie, quelle libération, à condition bien sûr que nous acceptons de ne pas être au centre du monde, que nous accueillons, par la foi, le don gratuit de Dieu.


4. Le malheur et la mort n’ont pas le dernier mot. Si le don de Dieu est gratuit, il n’est pas inefficace, au contraire. Ainsi la première lecture, après avoir évoqué de manière accablante la désobéissance d’Israël, la dévastation de la Ville et l’exil, se conclut néanmoins par une note d’espoir. En effet le roi Perse Cyrus renvoie les exilés chez eux et les invite à reconstruire un Temple pour le Seigneur. Quiconque parmi vous fait partie de son peuple, que le Seigneur son Dieu soit avec lui, et qu’il monte ! Ce texte est très touchant car il s’agit des tout derniers mots de la Bible hébraïque. Nous en connaissons tous le début : Au comment Dieu créa le ciel et la terre ; en voici la fin : et qu’il monte. Une invitation à se reconnaître membre du peuple de Dieu, à accueillir sa présence (que le Seigneur soit avec lui), et, surtout, à se mettre en route et à regarder vers les sommets. Dieu est un Dieu qui relève sans cesse, comme Jésus par trois fois lors du chemin de Croix. Non, la mort n’est pas le dernier mot de l’histoire. Saint Paul le dit avec tellement de clarté : Il nous a fait vivre avec le Christ… Avec lui, il nous a ressuscités et il nous a fait siéger aux cieux.


5. Notre vie a un sens : le bien est à notre portée. Aussi bien St Paul que St Jean, après avoir évoqué l’amour de Dieu pour nous et son œuvre de salut, tournent leur attention vers notre existence concrète, c’est-à-dire vers ce que nous faisons. C’est ainsi que Jean parle des œuvres : celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. Quelle promesse inouïe, n’est-ce pas, de pouvoir agir avec Dieu et en Dieu ? Et Paul a une formule qui me touche plus encore (je traduis littéralement) : Dieu nous a faits, il nous a créés dans le Christ Jésus, en vue d’œuvres bonnes qu’il a préparées d’avance pour que nous les marchions en elles. Ainsi la vie qui est devant nous est comme une belle avenue bordée d’œuvres bonnes qu’il nous suffit de cueillir comme les fleurs des champs lors de nos promenades estivales. Pour le dire autrement, Dieu a mis du bien en notre cœur, ce bien est à note portée : faisons-le, il nous réjouira !


Alors ce matin, ne pleurons plus. Reprenons nos harpes et nos cithares et même si Jérusalem est encore loin, chantons ces airs joyeux car nous avons contemplé sa miséricorde et nous sommes certains de sa victoire finale.

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