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Vous avez encore un GPS papier, Père Dom ? | Père Dominique Janthial | ÉPIPHANIE | 6/01/2019

Dernière mise à jour : 14 mars 2020


Un jour que j’embarquais dans ma voiture un scout qui devait rentrer plus tôt de son camp, il avisa les cartes routières étalées sur le siège passager et il me lança mi surpris-mi goguenard : « Vous avez encore un GPS papier, Père Dom ? » La fête de l’Epiphanie avec cette histoire de mages qui suivent leur étoile est une bonne occasion pour faire la révision annuelle de notre système de guidage car, sans vouloir jouer au dinosaure, j’ai pu constater que celui-ci était susceptible d’évoluer au cours de notre vie et surtout de modifier les repères qu’il utilise pour ses calculs.


« Lève les yeux alentour, et regarde : tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi; tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur la hanche ».

Lorsque l’on est enfant, le système de guidage se fonde assez naturellement sur les parents. Ma filleule Alix qui est maintenant mère de famille m’a raconté une histoire de quand elle avait 5 ans. Nous nous trouvions avec ses parents dans une session où il y avait foule et pour ne pas perdre son père de vue, elle fixait ses chaussures. Or il se trouve que son père et moi avions rigoureusement les mêmes chaussures que nous avions achetés ensemble d’ailleurs. Sans s’en apercevoir, Alix avait pris mes chaussures pour celles de son père et m’avait ainsi suivi jusqu’au moment où levant les yeux, elle s’était aperçue ébahie que le visage qui lui souriait n’était pas celui de son Papa mais celui de son parrain, votre serviteur. Lorsqu’on est adolescent, on lève un peu les yeux au dessus des chaussures de Papa pour se repérer… mais pas tant que ça, en définitive, puisque le regard s’arrête la plupart du temps aux jeans de nos camarades de classes ; et l’on tâche d’avoir les mêmes et notre nouveau système de guidage devient les faits et gestes de nos potes. Peu à peu ces camarades de classe deviennent des camarades de promotion, le système de guidage prend alors comme référence les carrières, plus ou moins réussies, des uns et des autres. Bref, pendant très longtemps on ne lève pas tellement les yeux et notre système de guidage se satisfait très bien de ces repères immédiatement accessibles. Aujourd’hui le prophète Isaïe nous adresse cette invitation : « Lève les yeux alentour, et regarde : tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi; tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur la hanche ». Il paraît que pour bien manœuvrer son navire il convient de regarder loin, très loin. Si les yeux se fixent sur la proue, on ne cesse de tirer des bords. En prenant de la maturité et je peux constater que cela arrive de plus en plus rapidement chez les jeunes de nos jours, on se rend compte que la carrière n’est pas le dernier mot de la vie et comme dit l’autre : « Il ne s’agirait pas de perdre sa vie à la gagner ». Du coup on découvre des aspirations plus élevées, des objectifs moins terre-à-terre… Certains prennent même, une année de césure, une retraite anticipée ou un temps partiel pour pouvoir servir ces objectifs. Maintenant si on regarde vraiment très loin, on peut imaginer que par delà nos objectifs personnels, familiaux ou catégoriels, il y a un objectif commun à toute l’humanité. Ce but commun à toute l’humanité, c’est qu’il n’y ait sous le Ciel qu’une seule famille. C’est même un concept confucéen, paraît-il, présent dans la littérature chinoise ancienne : Tien Xia Yi Jia (« Sous le Ciel, une famille »). C’est le mystère que nous fêtons aujourd’hui, celui que Saint Paul dans la lettre aux Ephésiens dont nous avons entendu un extrait en deuxième lecture appelle LE mystère : « Ce mystère n’avait pas été porté à la connaissance des hommes des générations passées, comme il a été révélé maintenant à ses saints Apôtres et aux prophètes, dans l’Esprit. Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage ».


Or c’est vrai que quand nous levons les yeux de nos petits problèmes quotidiens, ce que nous voyons ce sont des personnes qui affluent de loin vers notre vieille Europe : « Tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi ». Alors évidemment il n’y a pas qu’une dimension mystique à leur démarche : Ils veulent manger, nourrir leurs familles. Eux aussi ont le droit d’avoir des objectifs simples… Ils veulent posséder des GSM performants, donner une bonne éducation à leurs enfants, vivre libre etc. Mais je pense qu’il y a aussi cette aspiration profondément inscrite au cœur de tout homme, d’avoir « part au même héritage », d’être inclus dans la fraternité humaine et non pas tenus à l’écart par toutes sortes de barrières et de frontières. Et même si ces migrants n’ont pas tous cette aspiration, ou pas consciemment, nous pouvons l’avoir nous pour eux. Et ils pourront la lire dans nos yeux lorsqu’ils nous rencontreront… « Alors tu verras, dit encore le prophète Isaïe à l’adresse de Jérusalem, tu seras radieuse, ton cœur frémira et se dilatera ». C’est vrai : Elever le regard vers des préoccupations plus hautes fait frémir et se dilater le cœur ! « Toutes les nations s(er)ont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile ». En ce jour de l’Epiphanie où nous prions notamment pour la stabilité et la justice en RDC, nous avons une raison de plus pour nous interroger sur notre système de navigation, pour lever les yeux et prendre nos repères bien loin sur la route de l’humanité. Et peut-être que du coup, notre GPS va recalculer notre itinéraire et comme les mages, nous retournerons chez nous – au moins intérieurement – par un autre chemin.



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