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Homélie pour la fête de la Toussaint | P. Damien Desquesnes | 1/11/2020



Voici deux mois que je suis votre curé et je dois déjà vous annoncer que c’est la dernière fois avant longtemps que je célèbre l’eucharistie en votre présence. Nous savons bien sûr la gravité de la situation et nous ne voulons pas nous soustraire au combat que mène notre pays. Il reste que cette question se pose : que suis-je venu faire parmi vous sinon célébrer l’eucharistie ? S’il y a un mystère dans cette impossibilité de pouvoir la célébrer, il y a cependant un mystère plus grand encore de pouvoir la célébrer ! C’est donc de l’eucharistie dont je vous parlerai en cette fête de Toussaint.


Alors, qu’est-ce que l’eucharistie ? La réponse parfaite du théologien est de dire qu’elle est un sacrement, c’est-à-dire à la fois un signe et un moyen…


L’eucharistie est en effet un moyen efficace pour que se réalise le salut de Dieu. Elle est aussi un signe : un signe visible d’une réalité invisible ; plus précisément : un signe visible d’une réalité à venir. L’eucharistie est fondamentalement une anticipation. Anticipation de la réunion de tous les élus dans la Jérusalem céleste dont nous a parlé l’Apocalypse ; anticipation de ce moment où le Christ sera visiblement tout en tous ; anticipation de cette heure où Il sera admiré sur le visage de tous ceux qui auront cru en lui ; pour reprendre les mots de saint Jean, anticipation de la vision de Dieu.


Oui ! le mouvement de l’eucharistie est un mouvement qui va vers l’avenir ; c’est le mouvement de l’espérance. Pensons à cette phrase de saint Paul quand il parle du repas du Seigneur : « Quand vous buvez à cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’Il vienne ». Pensons encore à cette parole de Jésus lui-même : « Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et moi je le ressusciterai au dernier Jésus ».


En étant une anticipation, l’eucharistie montre le pouvoir de Dieu de mettre une fin aux limites de ce monde, à tous ses enfermements, à toutes ses impasses. Elle montre encore que Dieu conduit l’histoire pour que tout soit fondé et établi en son Fils ressuscité.


Mais allons encore un peu plus loin. Si l’eucharistie est un moyen si puissant, si imposant d’anticipation du Règne de Dieu et de la nouvelle création, il convient d’avoir à l’esprit qu’elle est elle-même une réalité anticipée : elle a été en effet préparée depuis l’aube des temps. Elle a été aperçue dans ce pain et ce vin que le roi-prêtre Melchisédech avait offert à Abraham. Nous la voyons en image dans cette manne – ce pain venu du ciel – qui avait nourri les Hébreux pendant leur séjour au désert. Elle est préfigurée dans ce banquet qui réunit dans la nuée les septante anciens d’Israël.


L’eucharistie est dès lors plus qu’un rite offert à l’étude de l’anthropologue. Elle est comme un grand fleuve qui parcourt toute l’histoire sainte, un fleuve dont le débit s’amplifie d’âge en âge pour se jeter dans l’océan de Dieu, un fleuve qui nous aspire et qui nous y emmène. Heureux les hommes qui y nagent ! Et ce n’est pas le tourbillon dans lequel nous sommes pris pour le moment qui empêchera le fleuve de poursuivre son cours inexorablement. Le tourbillon est trop étroit pour subsister dans le fleuve ou pour le détourner.


En vous parlant ainsi de l’eucharistie, je voulais évoquer quelque chose de plus large que les événements que nous connaissons : il nous faut plus que l’angoisse ou la peur, plus que le désarroi ou la lamentation sur ce laisser-aller qui nous a menés au bord de la catastrophe.

Il faut plus que du sentiment pour consoler un chrétien. Il faut que son existence s’accomplisse, qu’elle atteigne sa pleine stature ; il faut qu’elle s’inscrive dans le mystère de la volonté divine, dans l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance.


Les saints que nous fêtons aujourd’hui témoignent de la puissance de l’eucharistie car ce qu’ils vivent maintenant au ciel, il l’ont déjà vécu – sous le mode du signe – quand ils étaient autour de l’autel ici-bas. Maintenant, ils vivent une communion sans écran, dans le face-à-face.


Je prie ce matin pour qu’ils viennent nous visiter, pour que nous sentions la puissance de leur intercession, pour que, dans le moment où nous sommes, ils nous rassurent, ils nous encouragent. Nous avons en effet beaucoup d’amis au ciel.


Nos pères le savaient : dans leur foi, qui nous semble peut-être naïve, ils promenaient leurs reliques autour de leurs villes et villages en temps d’épidémie. C’étaient les saint des âges sombres : Waudru à Mons, Vincent à Soignies, Rolende, Gertrude à Nivelle, Hadelin… Remercions-les de nous avoir apporté et la foi et la civilisation. Nous les avons presque oubliés ; nous ne connaissons guère leur visage, mais il est certain que nous les verrons un jour ; et il est encore plus certain que dès maintenant ils nous attendent.

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