Homélie pour la fête paroissiale | 5/10/2025 | P. Damien Desquesnes

Fête de saint François d’Assise — lectures du 27ème dimanche du Temps ordinaire

5 octobre 2025 — année C

« Si vous aviez de la foi, gros comme un grain de moutarde, vous auriez dit à cet arbre : Déracine-toi et va te planter dans la mer, et il vous aurait obéi. »

Comme si Jésus disait à ceux qui le suivent : Sachez qu’un peu de foi bouleverse le monde. Pourquoi, parce que votre foi vous semble petite, pensez-vous en avoir si peu ? Les disciples ont l’air d’être prisonniers d’une telle pensée ; et c’est peut-être la raison pour laquelle ils ont si peu d’audace évangélique.

Ce passage de l’Évangile me fait penser à un épisode de la vie de saint François : sa rencontre avec un lépreux. C’était, dit-il dans son testament, l’époque où il était dans le péché, où, avec des amis, il allait de fête en fête. L’état du lépreux le répugnait, certes, mais qu’auraient pensé ses amis s’ils avaient su que François l’avait approché ?

Pourtant, François a commis cet excès de le toucher comme Jésus l’avait fait également (voir Mc 1,41), un excès comparable à ce : ’Déracine-toi et va te planter dans la mer’… Or les actes que nous posons ont le pouvoir de nous transformer. Le geste audacieux de François a été un des éléments à la base de sa conversion. Ce fut là l’origine d’une famille spirituelle qui continue de produire de nombreux fruits et qui a provoqué un grand renouveau dans l’Église.

Vous le savez, une audace en appelle une autre. Je pense à un autre événement de la vie de François, sa visite au sultan d’Égypte, Al-Kâmil… une rencontre entre deux hommes que tout séparait. Elle a eu lieu dans un contexte particulièrement tendu, celui de la cinquième croisade. Celle-ci s’était emparée de la vie de Damiette et exerçait une terrible pression sur les populations locales. François vint dans un tout autre esprit que celui d’un conquérant. Il n’était l’homme d’aucun camp, sauf celui de Dieu… Et c’est avec cette humilité qu’il s’est entretenu avec ce prince musulman.

On dit qu’Al-Kâmil a été impressionné par la personnalité de François. Cependant, il n’a pas embrassé la foi. Et cela par crainte des réactions de ses coreligionnaires.

Frères et sœurs, de la rencontre de François avec le sultan, nous pouvons tirer cette leçon à propos de la mission. Celle-ci doit en effet surmonter l’obstacle d’une double timidité.

Il y a d’abord celle du croyant. Sa timidité consiste à penser qu’il n’a pas encore assez de foi pour en témoigner. Il la surmontera par une authentique humilité. Comment ? En réalisant que c’est le Christ qui habite en lui et qui renouvelle son cœur, et que ce que le Christ a fait en lui il peut le faire dans les autres. C’est avec ce trésor que François est allé voir le sultan. Rien que ça… sans visée militaire ou politique…

Ensuite, il y a la timidité de l’homme du monde. Pourquoi celui-ci est-il timide ? Parce qu’il sait d’instinct qu’en venant habiter en lui, le Christ ne l’autorisera pas à fuir son interiorité, à continuer à vivre avec son péché, à lui préférer sa famille et ses amis, à ne pas changer son comportement.

C’est pourquoi Newman disait que celui qui évangélise doit le faire avec délicatesse et amour. Une délicatesse et un amour dans lesquels les humbles se montrent particulièrement habiles.

Peut-être ne devrons-nous jamais avoir d’entretien avec un sultan. Je voudrais terminer en vous invitant à réaliser que la foi que vous avez est suffisante pour vaincre votre timidité. Avant de poser de grands gestes d’audace, pourquoi ne pas commencer par saluer un frère dans la foi ? Ce n’est pas si difficile, mais c’est certainement un bon début.