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Homélie pour le 1E dimanche de l'Avent 27/11/2022 | P.Damien Desquesnes.


Pendant ce temps qui nous prépare à Noël, nous allons faire mémoire des grands personnages qui ont précédé le Sauveur dans sa naissance et dans sa mission ; toute leur existence était tendue vers le Christ. Je pense aux prophètes et à Jean Baptiste le Précurseur. Ils sont liés au Christ, je vous l’ai dit, parce que l’Esprit qui les animait était déjà l’Esprit du Christ (1 P 1,11).


Prenons donc comme point de départ ce que nous trouvons chez l’un d’eux — Isaïe — et que nous tirons de la première lecture : le prophète évoque « les derniers jours », c’est-à-dire les jours du triomphe de l’espérance d’Israël. Par cet oracle, comme par bien d’autres, Isaïe n’a pas manqué d’inscrire dans la mentalité religieuse de son peuple un esprit d’attente. Or, depuis le résurrection de Jésus, nous sommes dans les « temps qui sont les derniers » (He 1,2). Alors, posons-nous la question : y a-t-il encore quelque chose à attendre? Oui, bien sûr, mais il nous faut tenir ensemble le fait que le Seigneur est déjà venu et le fait qu’il viendra encore, comme il le dit lui-même dans l’Évangile de ce matin : « Tenez-vous prêts, le Fils de l’homme viendra à l’heure où vous n’y penserez pas ».


Ainsi l’esprit d’attente suscité par les prophètes ne s’est pas éteint dans l’Église ; au contraire, il a redoublé. Et nous avons à réaliser ce tour de force d’être dans un état de veille permanent. Il s’agit en effet d’être vigilants comme si notre vie était en jeu. Or l’expérience des deux années d’épidémie a montré que l’on peut rester sur le qui vive deux ou trois jours avant que survienne inévitablement le relâchement. Ce qui est sûr, c’est que les premières générations chrétiennes étaient pénétrées de cette certitude que le Seigneur allait venir. Elles vivaient cela non sans une certaine naïveté ; elles pensaient que le Seigneur allait apparaître dans peu de temps, quelques années tout au plus. Pour nos premiers pères, la liturgie était le lieu où ils apprenaient à tourner leur existence vers la Venue du Seigneur parce que la liturgie était justement l’anticipation de cette Venue.


Quand ils se réunissaient pour la fraction du pain, ils annonçaient la mort du Seigneur jusque’à ce qu’il vienne (1 Co 11,26). Ils célébraient les mystères avant le lever du soleil, tournés vers l’est. D’une manière générale, ils avaient le sentiment d’être aux premières loges ; leur mission était d’être des guetteurs d’aurore au milieu de leur époque. Il leur fallait tourner le dos aux mœurs des païens. Ceux-ci se laissaient leurrer par de faux soleils : les feux de la matière ; ils s’assoupissaient dans les plaisirs et une jouissance effrénée ; ils se couchaient aux petites heures pour se lever en fin de matinée. Au contraire, saint Paul encourageait les frères à se lever de bonne heure, à sortir de leur lit et à s’habiller : « revêtez-vous du Seigneur Jésus Christ », c’est-àdire à rejeter le laisser-aller moral des païens. L’Église est au presque au bout du deuxième millénaire de son histoire ; nous n’avons sans doute plus cette naïveté des premiers chrétiens qui pensaient que l’Apparition du Seigneur n’était qu’une question de quelques années. Peut-être sommes-nous malheureusement passés à l’autre extrême : nous avons oublié qu’il faut attendre.


Ou peut-être pensons-nous que notre mission icibas est de changer le monde nous-mêmes et que cela suffit comme ça : inutile d’attendre quoi que ce soit de Dieu, prenons l’initiative… Frères et sœurs, si nous renonçons à attendre le Seigneur, alors nous finirions à ressembler aux autres ; ce serait la panne spirituelle. Car le monde dans lequel nous vivons n’attend plus rien ; l’idée de salut l’a déserté ; il est au contraire plus conscient que jamais de sa propre perte. Comment peut-il durer s’il n’a aucune raison d’attendre la réalisation d’une promesse ? L’Église a bientôt deux millénaires, certes, mais elle est encore imprégnée de la ferveur de ses premiers jours si elle veille dans l’attente du Seigneur. Si en effet la religion fondée par le Christ est championne pour effacer les œuvres mortes du passé, elle n’a pas son pareil pour ouvrir un avenir à ceux qui n’espèrent plus !


Qu’elle soit accueillante, cette Église, à tous ceux qui sont lassés de fêtes ou d’espoirs sans lendemain. Qu’elle sache leur apprendre cette sobriété qui tient l’homme prêt à rencontrer et à recevoir le Christ pour se réjouir de sa manifestation glorieuse.

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