Homélie pour le 23E dimanche C du Temps ordinaire | 7/09/2025 | P. Damien Desquesnes
- Xavier Joachim
- 6 sept.
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Dimanche dernier, je vous avais parlé de la présence de la croix comme quelque chose qui distingue la vie chrétienne de tout autre style de vie. Aujourd’hui, le Seigneur confirme cette vérité : « Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple » (Lc 14,27).
Qu’est-ce que le Seigneur a en tête quand il insiste à ce point sur le fait de porter sa croix ? Son désir n’est certainement pas de faire de nos existences quelque chose de triste, mais plutôt quelque chose de consistant. Comment ? En nous mettant sur la route du don : du don de soi à Dieu et aux autres. D’ailleurs, Jésus lui-même marche sur cette route du don, qui est en même temps une marche vers la plénitude de sa vie. Sa mort sur la croix sera en effet un don : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13).
Très bien. Alors, que viennent faire ces deux histoires : celle d’un homme qui commence par s’asseoir pour évaluer la dépense avant de construire une tour ; et celle de ce roi qui veut se mesurer à une armée plus puissante que la sienne ? Qu’ajoutent-elles à l’appel à porter sa croix ?
Frères et sœurs, rappelez-vous ce proverbe : « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». On peut embrasser la croix des deux mains — je veux dire être décidé à se donner totalement et vivre un renoncement radical, comme apparemment l’appel de Jésus semble nous y inviter — et cependant faire fausse route. On se trompe dans la réponse à l’appel de Jésus quand le don de soi n’est pas ajusté, quand il est mal éclairé ou quand on manque d’équilibre. Oui, il est tout à fait dans l’esprit de la croix de chercher à soulager la misère des pauvres, mais pas en prenant le pain de la bouche de ses enfants. Oui, il est heureux pour une communauté chrétienne d’avoir un pasteur qui se dépense pour elle, mais si cet homme, pensant bien faire, rogne sur ses heures de sommeil ou s’il mange mal, alors il ruine sa santé et sa communauté devient orpheline. Tout le monde est perdant…
Allons plus loin. Paul a bien compris l’importance de cet équilibre, mais il sait qu’il y a un enjeu plus important. Tout n’est pas simplement question de bon sens ou de santé. Il dit dans sa première lettre aux Corinthiens : « J’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien » (1 Co 13,4).
On peut se donner à fond, frères et sœurs, de manière chevaleresque, avec zèle et générosité, par des gestes couteux, mais le faire d’une manière que le Seigneur n’attend pas de nous : c’est-à-dire sans amour. N’oublions pas que le don que Jésus fait de lui-même sur la croix est étroitement associé à la manifestation de son amour pour nous — « il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » — et pour le Père — « il faut que le monde sache que j’aime mon Père et que je fais comme mon Père m’a commandé » (Jn 14,31).
Je voudrais terminer par une remarque à propos de la phrase de l’Évangile que nous avons commentée. Quelques pages avant celle-ci, nous en trouvons une autre qui lui ressemble : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour, et qu’il me suive » (Lc 9,23).
Le « chaque jour » est un détail qui n’a pas échappé à Newman. Pour ce dernier, porter sa croix chaque jour signifie avant tout qu’il faut la porter dans de petites choses. Or, précisément, cela n’a rien de chevaleresque ; il n’y a aucune gloire à en retirer. Cela consiste à faire avec amour les devoirs du quotidien — le travail, les soins du ménage, les attentions aux membres de sa famille, etc… —, c’est-à-dire à les accepter de bon cœur pour ne pas les subir comme des frustrations qui nous recroquevillent sur nous-mêmes.

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