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Homélie pour le 23ème dimanche I p. Damien I 5/09/2021




Dimanche dernier, l’Évangile rapportait cette discussion à propos de la Loi entre Jésus et les scribes. Le Seigneur distinguait ce qui, dans cette Loi, était d’origine divine et les traditions humaines qui furent ajoutées par la suite.


Aujourd’hui, le cadre est tout différent. Le Seigneur vient des villes de Tyr et de Sidon, dans le sud du Liban, pour parvenir dans le territoire de la Décapole : toutes des terres païennes. Le passage que nous avons entendu laisse suggérer que Jésus était connu de ces peuples qui n’ont pas reçu la révélation. Ils savaient cependant que Jésus porte en lui une force de Dieu pour le salut de tout croyant.


Frères et sœurs, la question que pose l’Évangile de ce dimanche est celle-ci : la foi est-elle à la portée des païens ? La terre brûlante et desséchée de leur cœur peut-elle se changer en lac et voir sourdre des eaux jaillissantes en vie éternelle ? C’est pour nous le montrer que l’Évangile rapporte la guérison de ce sourd muet.


Jésus prend l’homme à l’écart de la foule. La guérison ne servira pas à épater la galerie. Elle sera un acte de bonté dont il convient de pénétrer le sens. Quand Jésus lève les yeux au ciel, qu’il soupire et qu’il prononce « Effata », quand l’oreille s’ouvre et que la langue de cet homme se délie, nous voyons le Christ préparer les peuples païens au salut. Ce geste montre que pour être sauvé, il y a deux conditions : une oreille pour écouter la Parole de Dieu et une langue pour proclamer la foi.


Ces éléments sont tellement essentiels que l’Église ne baptise personne sans faire ce geste de Jésus sur le catéchumène qui s’approche des fonts baptismaux : « Effata, ouvre-toi. Le Seigneur a fait entendre les sourds et parler les muets. Qu’il te donne d’entendre la Parole de Dieu et de proclamer la foi pour la louange et la gloire de Dieu le Père. »


Comment ne pas penser aussi à la conversion de saint Augustin ? En parlant de celle-ci, l’évêque d’Hippone témoigne : « Tu m’as appelé ; tu as crié ; tu as vaincu ma surdité. » La guérison de l’homme de la Décapole fut d’un instant ; la conversion d’Augustin prit des années. Mais c’est toujours le Seigneur qui dispose les cœurs au salut.


En contemplant le monde autour de nous, en voyant l’abandon massif de la vie de foi, comment ne pas estimer que c’est un phénomène inverse à celui de l’Évangile qu’on observe chez nos contemporains ? L’homme d’aujourd’hui veut-il ouvrir son oreille pour écouter la Parole de Dieu ? Ou peut-être ne le peut-il tout simplement plus ?


Réalisons que le problème n’est pas l’oreille physique. La difficulté, c’est que la Parole de Dieu soit non seulement entendue, mais qu’elle descende dans les profondeurs humaines, qu’elle soit considérée avec l’attention qu’elle mérite et résonne dans la vie intérieure pour produire un authentique fruit de conversion.


C’est que la Parole évangélique n’est pas faite pour n’être entendue que d’une oreille, mais elle doit pénétrer jusqu’aux jointures de l’âme. Cela me fait penser à ce mot de Bernanos que j’ai trouvé cet été : « On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. » Bernanos écrit cela en 1946, soit bien avant internet et les smartphones. Et il analysait un phénomène qui avait commencé bien avant, mais qui a pris maintenant des proportions presque infinies.


Frères et sœurs, je ne vais pas changer la civilisation à moi tout seul. Et même en vous y mettant avec moi, nous n’y arriverons pas. Cependant, que chacun fasse sa part ! À ceux et celles qui ont à cœur de transmettre la foi aux plus jeunes, il convient de veiller à ce qu’une vie intérieure soit possible. On pense immédiatement à initier les enfants à la prière. Oui, c’est très bien. Mais l’intériorité naît, grandit et se consolide à l’aide d’un faisceau de moyens. Je pense à celui-ci en particulier : l’ennui. Cela n’a l’air de rien, mais l’expérience de l’ennui – celle d’une rien-à-faire-qui-me-distraie – force l’homme à creuser un monde intérieur. Désagréable sur le moment, il ne sera peut-être pas sans porter de fruit au moment venu.

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