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Il y avait quelqu’un de malade | 5E Dimanche de Carême | Père D. Janthial | 29/03/2020

Dernière mise à jour : 13 avr. 2020




Lectures

Première lecture (Ez 37, 12-14)

Ainsi parle le Seigneur Dieu : Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël. Vous saurez que Je suis le Seigneur, quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai remonter, ô mon peuple ! Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez ; je vous donnerai le repos sur votre terre. Alors vous saurez que Je suis le Seigneur : j’ai parlé et je le ferai – oracle du Seigneur. – Parole du Seigneur.

Psaume (Ps 129 (130), 1-2, 3-4, 5-6ab, 7bc-8)

Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur, Seigneur, écoute mon appel ! Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière ! Si tu retiens les fautes, Seigneur, Seigneur, qui subsistera? Mais près de toi se trouve le pardon pour que l’homme te craigne. J’espère le Seigneur de toute mon âme ; je l’espère, et j’attends sa parole. Mon âme attend le Seigneur plus qu’un veilleur ne guette l’aurore. Oui, près du Seigneur, est l’amour ; près de lui, abonde le rachat. C’est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes.

Deuxième lecture (Rm 8, 8-11)

Frères, ceux qui sont sous l’emprise de la chair ne peuvent pas plaire à Dieu. Or, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. Mais si le Christ est en vous, le corps, il est vrai, reste marqué par la mort à cause du péché, mais l’Esprit vous fait vivre, puisque vous êtes devenus des justes. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. – Parole du Seigneur.

Évangile (Jn 11, 1-45)

En ce temps-là, il y avait quelqu’un de malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa sœur. Or Marie était celle qui répandit du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. C’était son frère Lazare qui était malade. Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. » En apprenant cela, Jésus dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. » Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait. Puis, après cela, il dit aux disciples : « Revenons en Judée. » Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? » Jésus répondit : « N’y a-t-il pas douze heures dans une journée ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. » Après ces paroles, il ajouta : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil. » Les disciples lui dirent alors : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. » Jésus avait parlé de la mort ; eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil. Alors il leur dit ouvertement : « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! » Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), dit aux autres disciples : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! » À son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà. Comme Béthanie était tout près de Jérusalem – à une distance de quinze stades (c’est-à-dire une demi-heure de marche environ) –, beaucoup de Juifs étaient venus réconforter Marthe et Marie au sujet de leur frère. Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait assise à la maison. Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. » Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » Marthe reprit : « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. » Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Elle répondit : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. » Ayant dit cela, elle partit appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas : « Le Maître est là, il t’appelle. » Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva rapidement et alla rejoindre Jésus. Il n’était pas encore entré dans le village, mais il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré. Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie et la réconfortaient, la voyant se lever et sortir si vite, la suivirent ; ils pensaient qu’elle allait au tombeau pour y pleurer. Marie arriva à l’endroit où se trouvait Jésus. Dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. » Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion, il fut bouleversé, et il demanda : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Seigneur, viens, et vois. » Alors Jésus se mit à pleurer. Les Juifs disaient : « Voyez comme il l’aimait ! » Mais certains d’entre eux dirent : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? » Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre. Jésus dit : « Enlevez la pierre. » Marthe, la sœur du défunt, lui dit : « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là. » Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. » On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. » Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. » Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui. – Acclamons la Parole de Dieu.


Homélie

Face à la crise que nous traversons, nous sommes nombreux à nous demander quelle est la place de Dieu dans tout ça. Certains – excusez moi l’expression – mettent Dieu à toutes les sauces et dans tous les remèdes. Cet esprit religieux conduit parfois à des comportements problématiques que d’autres s’empressent de dénoncer avec virulence déclarant avec autorité que Dieu n’a rien avoir avec tout ça : « Lavez-vous les mains, restez chez vous ! », nous rappellent-ils avec raison. Et cela vaut aussi pour Dieu : « Notre Père qui êtes aux Cieux, restez-y, #stayhome ! ». « Et qu’on ne vienne surtout pas nous dire qu’il s’agit d’un jugement de Dieu ! » Aujourd’hui, la liturgie de l’Église nous offre une parole qui vient fort à propos mettre un peu de lumière dans cette question.


L’évangile que nous venons d’entendre débute par une info qui ne ferait pas même un entrefilet dans un quotidien régional, elle est d’une banalité affligeante : « Il y avait quelqu’un de malade ». Malgré cette banalité apparente ou précisément grâce à elle et grâce au fait que ce malade n’est d’abord pas évoqué par son nom, tout auditeur se sent potentiellement concerné. Un peu comme dans la pandémie actuelle, où nous nous sentons tous concernés, personne ne peut faire le malin car selon l’adage bruxellois bien connu : « Qui fait le malin, tombe dans le ravin ! »


Pourtant dès la phrase suivante, le récit de vague qu’il était, devient extrêmement précis, accumulant même des détails qui pourraient paraître oiseux à propos de cet homme malade: « C’était Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de sa sœur Marthe – Marie était celle qui versa du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux ». Apparemment il importe de préciser le lien qui unissait le malade à Jésus, même si ce lien apparaît au départ un peu tiré par les cheveux … Ce point est confirmé par la manière dont les deux sœurs désignent Lazare dans la requête qu’elles présentent à Jésus. Elles insistent sur ce rapport qui existe entre l’homme et Jésus, mais, cette fois-ci, elles raccourcissent singulièrement le circuit : « Celui que tu aimes est malade ». Et c’est au fond cela qui est important car les précisions données à propos de ce Lazare ne réduisent pas la portée universelle du récit. Lazare, en hébreu, signifie « Dieu a porté secours ». Lazare continue d’être emblématique de tout homme malade, de tout homme fragilisé, sur qui se penche la sollicitude de Dieu. Et en même temps, il est important que Lazare soit nommé parce qu’une relation n’est jamais quelque chose de général et l’évangéliste prend soin d’y insister encore : « Jésus aimait Marthe et sa sœur, et Lazare ». Avec chacun il a une relation particulière, unique.


Donc Jésus « écoute » que l’homme qu’il aimait est malade. Le verbe employé dit plus qu’« entendre » et il rappelle l’attitude de Dieu dans le livre de l’Exode : « Le Seigneur dit: J’ai vu la souffrance de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai écouté les cris que lui font pousser ses oppresseurs, car je connais ses douleurs » (Ex 3,7). L’écoute dit cette compassion, cette sollicitude de Dieu envers la souffrance de l’homme, compassion qui est évoquée par le nom même de Lazare, « Dieu a porté secours ». C’est pourquoi la réaction de Jésus à l’annonce de la maladie de Lazare est pour le moins déroutante, c’est comme s’il se débarrassait du problème en le minimisant : « Cette maladie ne conduit pas à la mort » ; pire il semble vouloir tirer parti de l’infortune de cet homme qu’il prétend aimer, puisqu’il ajoute : « Cette maladie est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le fils de Dieu soit glorifié ». Et puis au lieu de se hâter au chevet de celui qu’il ose nommer son ami, Jésus fait mine de traîner pendant deux jours encore avant de se mettre en route. Nous connaissons la suite, Jésus va venir à Béthanie et faire sortir Lazare du tombeau. N’empêche ! Nous trouvons que c’est un peu fort. Car cela nous renvoie à notre propre vie : chacun de nous est cet homme malade que Jésus aime – paraît-il – et qu’il va pourtant laisser mourir un de ces jours. C’est pour cela que nous avons du mal à accepter que Jésus laisse mourir Lazare, qu’il laisse ses sœurs trois jours dans l’angoisse, tout ça pour avoir l’occasion de faire un joli petit miracle en le ressuscitant.


Oups ! J’ai employé un mot qu’il ne faut pas employer car Lazare n’est pas vraiment «ressuscité » mais simplement ranimé. En effet, Lazare, une fois ranimé, continuera de mener une vie normale, c’est à dire marquée par la souffrance et la mort. Il ne goûtera pas encore la vision béatifique, ni l’éternité bienheureuse et c’est là toute la différence. L’attitude de Jésus qui mime celle de Dieu, son père, en laissant l’homme mourir en dépit de l’amour réel qu’il lui porte, cette attitude ne sera compréhensible que lorsque nous serons entrés dans la vision béatifique et l’éternité bienheureuse. Alors le chemin s’éclairera et nous comprendrons pourquoi il fallait passer par là, c’est la question que Jésus, une fois ressuscité, posera aux pèlerins d’Emmaüs à propos de sa propre mort :

« Ne le fallait-il pas ?»


Le sens d’une épreuve n’est jamais – ou presque jamais – donné au cœur de l’épreuve. Regardez les fils d’Israël dans leur Exil à Babylone. Tout leur a été retiré et ils font entendre cette clameur vers le Père : « Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur, Seigneur, écoute mon appel ! Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière ! » C’est le fameux De Profundis… Et le prophète Ézéchiel leur répond par cette parole d’espérance prononcé au nom du Seigneur : « Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël. Vous saurez que Je suis le Seigneur, quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai remonter, ô mon peuple ! Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez ». L’épreuve n’est-elle pas nécessaire pour que soit donné l’Esprit, pour que nous l’accueillions et que nous vivions davantage selon lui ?


Pour l’heure, Jésus, pour sauver Lazare, c’est à dire pour sauver tout homme, Jésus va lui-même, en montant à Jérusalem, affronter la souffrance et la mort. C’est ce que ses disciples ont bien compris qui lui disent : « Rabbi, tout récemment les Juifs cherchaient à te lapider, et tu retournes là-bas ? » Et d’ailleurs ces braves disciples seraient volontiers d’avis de laisser Lazare se débrouiller tout seul : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé », disent-ils benoitement. Mais Jésus va monter à Jérusalem pour la dernière fois. Et nous aussi avec lui dans ces deux dernières semaines de Carême puisque dimanche prochain nous le verrons entrer triomphalement à Jérusalem avant d’assister à la Passion. Pour conclure, je ne saurais trouver de meilleures paroles que celle que le Pape a prononcé avant-hier : « Est-ce un jugement de Dieu, demandait-il, non mais un temps pour exercer notre propre jugement : choisir dans nos vies ce qui tient bon et ce qui passera, distinguer ce qui est nécessaire de ce qui ne l’est pas. Et ainsi nous remettre sur la bonne voie ! » Amen.

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