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"Divine solidarité" | Mercredi des Cendres | P. Sébastien Dehorter | 22 02 2023

La Parole de Dieu de ce jour adresse un appel pressant.

Tout d’abord, c’est pour maintenant. Maintenant – oracle du Seigneur – revenez à moi… Ou encore : Le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut. Maintenant ce n’est pas « plus tard », et ce qui est vrai en matière écologique l’est davantage en spiritualité : « demain, c’est aujourd’hui ».

Ensuite, l’appel s’adresse à l’être humain tout entier : revenez à moi de tout votre cœur. L’enjeu n’est pas une question de vêtement (déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements), autrement dit d’apparence seulement - ce que Jésus fustige clairement dans l’évangile au sujet de ceux qu’il appelle hypocrites, qui se donnent en spectacle pour bien se montrer aux hommes. Non, revenir à Dieu de tout son cœur, c’est s’y engager corps et âme et cela implique que, d’une manière ou d’une autre, il y ait des conséquences concrètes. La foi n’est pas une belle idée, elle est une saisie de notre personne dans la grâce du Saint Esprit. L’aumône qui touche le porte-monnaie, le jeûne qui frappe l’estomac, la prière qui mange du temps, expriment simplement le réalisme de toute spiritualité digne de ce nom.

Enfin, l’appel concerne tout un chacun : le peuple dans son ensemble avec les anciens, les petits enfants jusqu’aux nourrissons. Même l’étiquette just married ne permet pas de ne pas se sentir concerné : Que le jeune époux sorte de sa maison, que la jeune mariée quitte sa chambre.

En fait, la voix qui s’adresse à nous ce soir n’est pas seulement une voix humaine, celle qui dit : revenez au Seigneur votre Dieu car il est tendre et miséricordieux ; c’est la voix même de Dieu : oracle du Seigneur, revenez à moi ! St Paul le dit plus clairement encore : par nous c’est Dieu lui-même qui lance un appel.

Il est impressionnant de voir comment nous avons ridiculisé le Carême

Bref, le Carême est une affaire sérieuse, c’est quelque chose de grand, de beau et de saint, à l’image du don immense que Dieu nous fait : passer de la mort à la vie et vivre désormais dans la joie de sa présence. Malgré cela, il est impressionnant de voir comment nous avons ridiculisé le Carême. Encore l’autre jour, après avoir célébré la messe dans un home et rappelé l’arrivée du Carême, j’ai surpris cette petite réflexion, apparemment innocente : « le Carême ? Plus de caramel ! ». Ça fait sourire mais, en fait, c’est assez grave : car si toute une génération de chrétiens fervents et engagés (à 90 ans, ils viennent encore à la messe) semble être passée à côté de l’essentiel, qu’ont-ils transmis à la génération suivante ?


Au cœur des lectures de ce jour, il n’y a pas d’abord un effort à fournir mais une solidarité à accueillir. Il y a une bonne nouvelle stupéfiante : Dieu est solidaire des êtres humains. Il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment. Qui sait ? Il pourrait revenir… et laisser derrière lui sa bénédiction. La petite expression « qui sait ? » marque un étonnement, une découverte émerveillée. En effet, si l’on va jusqu’au fond des choses, on ne découvre pas seulement les lois de la nature qui font tourner le monde ; il n’y a pas un karma, avec un lot de souffrances à payer en fonction des actes posés. Non, tout au fond des choses, il y a la liberté créatrice et miséricordieuse de Dieu qui n’agit pas en fonction de lui-même mais en fonction de nous. Pour pouvoir prononcer ce « qui sait ? », l’homme doit aussi être réaliste et reconnaître que le monde ne va vraiment pas bien, il faut avoir l’humble conscience du désordre, du mal, du péché. En fait, selon le karma on ne devrait plus exister. Mais Dieu n’est pas ainsi.

Le triomphe de la solidarité de Dieu

Avec Jésus, la solidarité divine est plus troublante encore : Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu. Stupéfiant, n’est-ce pas ? Jésus, pour ainsi dire, est devenu un péché, une séparation totale d’avec Dieu. N’est-il pas un péché celui qui est pendu sur cette croix, celui qui n’a plus figure humaine, celui dont on préfère se moquer pour cacher sa peur ? En fait, c’est son amour pour nous qui l’a conduit là, comme si le Saint en se plongeant dans le monde prenait sur lui toute sa défiguration. Mais ce n’est pas fini, car dans un formidable retournement, sa justice à lui devient aussi la nôtre, et c’est ainsi que triomphe la solidarité de Dieu.

La Passion du Christ, qui nous est déjà présentée ce soir, est une affaire trop grande pour être tournée en ridicule avec quelques caramels. En même temps, l’incompréhension de sa grandeur n’a rien d’étonnant, puisqu’on a tiré au sort les vêtements de Jésus en jouant aux dés. Bien sûr, penser à la Passion ne nous met pas en joie mais, dans la vie, il y a des choses qui sont belles parce qu’elles sont grandes et qu’elles ont leur part de mystère.

Enfin, le ridicule à l’égard de Dieu pourrait se retourner contre nous-mêmes, comme l’exprime bien la prière : N’expose pas [Seigneur] ceux qui t’appartiennent à l’insulte et aux moqueries des païens ! Faudra-t-il qu’on dise : “Où donc est leur Dieu ?” Quel parti allons-nous prendre ? En fait, nous pouvons préférer le parti de Dieu qui est tendre et miséricordieux – quitte à subir parfois la moquerie – plutôt que le parti des moqueurs ou des indifférents – qui interprètent les silences de Dieu comme preuve de son absence. Si Dieu est à ce point solidaire à notre égard, pourquoi ne le serions-nous pas en retour vers lui ?


Le temps du Carême est donc d’abord le temps de Dieu et, à partir de là, celui de la solidarité envers tous les hommes. Si cela est vraiment d’importance pour nous, ne soyons pas ridicules dans nos engagements…

Beau et saint Carême à chacun et chacune d’entre vous !

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