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God in open access | Dimanche des Rameaux | Père S. Dehorter | 05/04/2020




Je partirais d’un détail de l’évangile. Au moment où Jésus meurt, en poussant un grand cri, nous dit saint Matthieu, le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, du haut en bas. Ce détail que nous rapportent également Marc et Luc ressaisit une dimension fondamentale du mystère de Pâque que nous nous apprêtons à célébrer ensemble. Au temps de Jésus, le Temple était une structure immense, une véritable ville dans la ville, ornée de marbre et plaquée d’or, faite de parvis et de colonnades. En son centre se trouvait un bâtiment couvert, le sanctuaire, lui-même composé de deux parties séparées par le rideau : dans la première partie, appelée le Saint, on trouvait un autel à encens, une table d’offrande, un candélabre et, dans la seconde, le Saint des Saints, eh bien au temps de Jésus, il n’y avait rien. Dans le premier Temple, c’est là que se trouvait l’Arche d’alliance appelée également le Témoignage avec les deux tables de la Loi.

Le déchirement du rideau signifie donc que désormais il n’y a plus de séparation entre le Saint et le Saint des Saints (dans lequel d’ailleurs seul le grand-prêtre pénétrait une seule fois par an). La mort de Jésus n’est donc pas le point final d’une histoire dont les commencements ont pu nous faire rêver, elle est une ouverture, la levée d’un rideau, elle signifie pour ainsi dire la sainteté de Dieu en accès libre : God in open access !

La mort, tout spécialement la mort des enfants, la mort violente ou soudaine de ceux qui n’ont pu s’y préparer, la mort de ceux qui meurent tout seuls, est l’un des plus grands scandales de notre condition humaine. Nous pouvons butter dessus et nous y arrêter « Dieu n’existe pas, voilà tout ». Jésus lui-même a connu cela, la déréliction absolue, ses dernières paroles restées sans réponse apparente – Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné – et ce grand cri final, cri de ceux qui meurent étouffés et assoiffés. Les évangiles n’ont pas cherché à gommer ce moment d’intense souffrance. Et comment ne pas penser aujourd’hui aux drames multiples qui se jouent à huis clos dans les hôpitaux ou dans les homes ?


Dieu est présent tout entier dans l’acte de se donner et nulle part ailleurs.

Mais c’est précisément là que prend sens, d’une manière peut-être nouvelle, notre intense participation comme chrétiens à la Semaine Sainte. Car l’enjeu de cette semaine, nous le savons, est de permettre à chacun de nous et, à travers nous, à chacune des parcelles de notre monde, d’être uni à Jésus. Alors tout ce qui est en train de mourir ne sera plus vécu comme un point final mais comme une révélation. Car oui, Dieu existe, non pas dans le Temple, comme on le pensait, mais il est présent tout entier dans l’acte de se donner et nulle part ailleurs. La mort de Jésus peut alors être comprise comme un don, un acte d’amour jusqu’au bout, une révélation de son intimité la plus profonde désormais libre d’accès, selon les mots du centurion : Vraiment celui-ci était Fils de Dieu.

Alors, comme disait Jésus à la Samaritaine, ce n’est plus sur cette montagne ni à Jérusalem que nous irons l’adorer. Ce sont des adorateurs en esprit et en vérité que recherche le Père.

Ma prière, au début de cette semaine sainte, est que véritablement le rideau, ce rideau par lequel nous posons la sainteté de Dieu comme un au-delà inaccessible – et nous trouvons mille excuses toutes plus rationnelles les unes que les autres pour vivre ainsi – eh bien, que ce rideau puisse enfin se déchirer, du haut vers le bas, c’est-à-dire dans un mouvement de descente, semblable à celui de l’Incarnation, un mouvement de réalisme aussi où nous acceptons enfin d’accéder à la confession de foi et à la reconnaissance : vraiment cet homme est le Fils de Dieu. Et cela ne se produira pas dans une église, dans un grand rassemblement, dans une retraite fervente. Non, je souhaite que cela arrive dans vos maisons et vos appartements, vos chambres, vos salons, vos cuisines, de sorte que cet habitat quotidien devienne pour vous, le lieu de la Présence et de la Révélation de Celui dont les promesses ne déçoivent jamais.

Il y a deux personnages que j’affectionne particulièrement dans les textes de ce jour : ce sont le petit âne et Simon de Cyrène. Chacun à sa manière a aidé Jésus à faire une ascension, une ascension conduisant à une reconnaissance : la montagne de Sion où les foules acclament le fils de David et le Golgotha où le centurion reconnaît le Fils de Dieu. Leur devise est simple : le Seigneur en a besoin. Qu’ils soient nos intercesseurs pour les jours qui viennent. Amen.

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