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Réparer les ruines | Jour de Noël | 25/12/2022 | P. Sébastien Dehorter


Frères et sœurs ! Eclatez en cris de joie, ruines de Jérusalem, car le Seigneur a consolé son peuple. La joie est grande ce matin et tous ceux qui, au cours de cette liturgie, proclament la Parole de Dieu ou chantent sa gloire sont semblables à ce messager dont parle le prophète : qu’il est beau de voir courir sur les montagnes le messager qui annonce la paix. Cette joie cependant ne peut faire oublier le destinataire du message: les ruines de Jérusalem. Regardons ces ruines. Dans une homélie de Noël, le Pape Benoît XVI a fait remarquer que dans des tableaux de la Nativité de la fin du Moyen-Âge, l’étable apparaît comme un palais délabré, une ruine aux murs effondrés. Bien que n’ayant pas de fondement historique, cette interprétation picturale exprime une facette de la vérité de Noël. Car ce palais délabré, les ruines de Jérusalem, c’est le cosmos tout entier, lacéré et défiguré par le péché ; c’est la terre d’aujourd’hui, objet d’âpres négociations politiques, abîmée par l’utilisation abusive de ses ressources, menacée dans son avenir même. L’évangéliste saint Jean donne la raison théologique de ce mépris : [Le Verbe] est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu. Le palais tombe en ruines car il a rejeté hors de lui ce qui fait sa cohésion et sa raison d’être. Car l’enfant qui est né est ce Fils qui porte toutes choses par sa parole puissante, lui par qui Dieu a créé les mondes.

Aujourd’hui la terre est restaurée précisément par le fait qu’elle est, de nouveau, ouverte à Dieu.

Le rejet cependant n’est pas le dernier mot de l’histoire. Il y en a quelques-uns qui l’ont reçu et, grâce à ceux-là, le Christ peut inaugurer quelque chose de nouveau. Oui, en venant dans le monde, le Verbe de Dieu vient redonner à la création sa beauté et sa dignité. C’est ce qui est engagé à Noël et qui nous fait jubiler : chantez au Seigneur une chant nouveau car il a fait des merveilles. Aujourd’hui la terre est restaurée précisément par le fait qu’elle est, de nouveau, ouverte à Dieu, qu’elle reçoit de lui sa vraie lumière; et, que dans l’harmonie restaurée entre le vouloir des hommes et le vouloir de Dieu, nous retrouvons une manière de vivre qui ne soit plus prédation et destruction mais alliance et communion .

L’humilité de Dieu, voilà le ciel.

Ce matin, il nous faut donc nous élever à ce degré d’éblouissement et rejoindre cette lumière qui brille et qu’en fin de compte les ténèbres ne peuvent arrêter. Mais où aller pour rejoindre cette lumière ? Faudra-t-il s’envoler toujours plus haut comme les oiseaux ou passer par un longue période d’initiation réservée aux âmes d’élite ? Saint Augustin a cette réponse extraordinaire : « Si on croit que le lieu de Dieu est dans les cieux comme dans les parties les plus hautes du monde, alors les oiseaux seraient plus heureux que nous, parce qu’ils vivraient plus près de Dieu. Mais il n’est pas écrit : "Le Seigneur est proche de ceux qui habitent sur les hauteurs (…)" mais plutôt : Le Seigneur est proche du cœur brisé, expression qui se réfère à l’humilité ». Ainsi le ciel n’appartient pas à la géographie de l’espace, mais à celle du cœur. Et le cœur de Dieu, dans ces jours très saints, s’est penché jusque dans l’étable : l’humilité de Dieu, voilà le ciel. Si nous entrons dans cette humilité, alors, nous toucherons le ciel et quelque chose de neuf pourra commencer.


La foi est l’expression de cette humilité. Croire, c’est reconnaître que nous ne sommes pas le tout ; c’est écouter et obéir à une Parole qui vient au-delà de nous-mêmes ; croire, c’est faire confiance ; c’est poser une limite à sa propre volonté de toute-puissante et accéder ainsi à un monde que nous ne pouvons pas nous donner à nous-mêmes. Et saint Jean en montre la conséquence inouïe : tous ceux qui l’ont reçu, ceux qui croient en sont nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu (…) ils sont nés de Dieu.


L’entrée par la foi dans la filiation divine nous fera alors saisir l’unité du monde. Car Celui par qui tout a été fait – la force de cohésion de l’univers – est le même qui a parlé à nos pères sous des formes fragmentaires et variées – l’intelligence mystérieuse qui conduit l’histoire des hommes ; et lui-même, prenant la condition humaine, est né dans une étable. Quelle étonnante cohésion entre, d’une part, la source de l’être - dont nous voudrions tellement ne pas nous éloigner -, d’autre part, l’étoile polaire de l’Histoire et de nos propres existences - que nous souhaiterions tellement voir avec pleine clairvoyance -, et, enfin, l’insignifiant quotidien de la mangeoire et des langes - qui pourtant, lorsqu’il est vécu dans foi nous fait participer du même mystère ! Dans l’Enfant de Bethléem un monde nouveau est à notre portée. Le recevoir, lui le vulnérable qui s’est identifié à tous les blessés de la terre, c’est accepter soi-même d’être vulnérable et se laisser entraîner sur la voie de son abaissement. A la suite de Marie, de Joseph ou des bergers de cette nuit, répandons autour de nous cette traînée de lumière afin que s’accomplisse la prophétie du psaume : la terre tout entière a vu la victoire de notre Dieu (…) sonnez, chantez, jouez.

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