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"Un chant pour la route" | XIème dimanche, année A | P. Sébastien Dehorter | 18 06 2023

L’évangile est un envoi en mission. Être chrétien, en effet, ce n’est pas seulement être disciple, c’est aussi devenir apôtre - quelqu’un qui est envoyé avec une mission. Et cela correspond bien à une fin d’année, spécialement pour vous les enfants qui vous êtes rassemblés régulièrement pour le catéchisme (« l’école de Jésus[1] ») et qui aujourd’hui entendez le Seigneur vous dire : « Allez, je vous envoie. Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement ». Aux consignes de l’évangile, je voudrais ajouter une petite chose : un chant. Pourquoi pas ?

Un « chant pour la route »

Ce serait un « chant pour la route », un chant qui permettrait de ne pas oublier l’essentiel, un chant qui nous encouragerait et qui nous garderait en communion. Il y a bien le chant des révolutionnaires, pourquoi pas celui des missionnaires ? Ce chant, en fait, c’est le psaume que nous avons entendu : Acclamez le Seigneur, terre entière / Servez le Seigneur dans l’allégresse / Venez à lui avec des chants de joie ! / Reconnaissez que le Seigneur est Dieu. Acclamer avec la bouche ; servir avec les mains ; venir, les pieds, reconnaître, le cœur. Le chant du psaume nous saisit tout entier. En ce sens, il nous guérit, nous purifie, il nous ressuscite même, en nous mettant en communion avec le Dieu vivant.


Le Psaume 99 commence par une puissante invitation à une louange universelle : Acclamez le Seigneur, terre entière. Acclamer, c’est faire du bruit. En latin, iubilate – jubilez ; en grec ἀλαλάξατε, et dans le verbe ἀλαλάζω on entend « lalala » : un cri de joie, de victoire, une clameur. Le Pape François l’a dit aux jeunes du Brésil en 2013 : « faites du bruit ! » - facite ammuina, lio, fate casino ! Quelle victoire fêtons-nous ? Celle de l’amour de Dieu. La preuve que Dieu nous aime – dit saint Paul - c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs. De ce chant de victoire, donc, personne ne peut se sentir exclu, ni les brebis perdues, ni les malades, ni les lépreux. Quand le missionnaire avance sur la route avec le chant du psaume dans sa bouche, il regarde tout ce qu’il y a autour de lui et il s’interroge : « Ont-ils entendu parler de l’amour de Dieu ? De Dieu qui veut faire alliance, devenir un ami ; de Dieu qui donne sa vie en partage ; de Dieu qui pardonne, qui réconcilie, qui remet debout ? » Acclamez le Seigneur, terre entière. Pas seulement les hommes donc, mais toute la création, car si les hommes se taisent, dit Jésus, les pierres crieront.

Servir, c’est toujours une victoire : victoire de la liberté qui se donne pour le bien.

Servez le Seigneur dans l’allégresse. De la bouche, on passe aux mains. Le service, c’est l’amour concret, l’amour en acte, l’amour qui pense aux détails. L’amour prend patience, l’amour rend service. Jésus est venu non pas pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. Il nous a lavé les pieds et chaque dimanche il nous invite à son repas de noces, dont il est à la fois et le serviteur et la nourriture. Aimer, en effet, c’est servir, donner, tout donner et se donner soi-même. Aujourd’hui, nous pouvons rendre grâces pour tous les services qui sont rendus ici. Les services cachés, comme gratter de la cire, ranger des partitions, repasser et stocker des aubes, faire des comptes, ouvrir et fermer des portes avec une précision d’horloger suisse, ramasser des déchets, écrire des mails, des newsletters, des affiches, des formulaires d’inscription ! Combien d’heures passer au téléphone pour écouter, en répétitions pour chanter, en préparatifs pour transmettre la foi ? Le service est la plus belle expression de notre liberté. Servir, ce n’est pas « se faire avoir » (ce que pense l’enfant qui se réjouit d’y avoir échappé avec une fausse bonne excuse). Servir, c’est toujours une victoire : victoire de la liberté qui se donne pour le bien. Servez le Seigneur dans l’allégresse.

Lorsqu’on aime quelqu’un, on lui dit simplement : « viens ! »

Une bouche pour acclamer, des mains pour servir, des pieds pour venir. Venez à lui avec des chants de joie ! Venir à Jésus. Selon ses propres paroles : venez à moi vous tous qui peinez et ployez sous le poids du fardeau et vous trouverez le repos. Plus on sert, plus il faut venir à Jésus, pour ne pas s’épuiser, pour ne pas se croire tout puissant. Il y a deux amours que nous pouvons demander : aimer servir et aimer prier. Venir à Jésus, c’est si simple, mais si important. Oui, qu’il y ait au moins un moment dans chacune de nos journées où nous serons parfaitement en vérité, en étant dans la lumière de Dieu, tels que nous sommes, avec nos souffrances, nos faiblesses, nos maladies, nos préoccupations et aussi nos grands désirs. Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime. Venir à lui pour éviter d’avoir une double vie, d’entretenir le mensonge, de ne plus être fidèle à sa vérité propre. J’ai bien conscience que, parfois, quand on vient à Jésus, il ne se passe rien. Et alors ? Lorsqu’on aime quelqu’un, on lui dit simplement : « viens ! ». C’est l'avant-dernière phrase de la Bible : Amen, viens, Seigneur Jésus. L’ami ne dérange jamais. Comme le dit le Cantique des Cantiques, c’est pour entendre sa voix et voir son visage, car sa voix est douce et son visage est beau. Nous le vivons à chaque eucharistie : Jésus nous parle – nous entendons sa voix ; Jésus prend corps - dans la foi, nous voyons son visage.

Je crois en l’amour créateur et miséricordieux

Le voilà, le chant pour la route : la louange des créatures, le service dans la joie, l’amitié avec le Christ. Alors, du fond du cœur jaillira le cri de la foi : Reconnaissez que le Seigneur est Dieu. Il nous a faits, et nous sommes à lui… Oui, le Seigneur est bon, son amour est éternel, sa fidélité demeure d’âge en âge. Il y a quelques années, j’ai lu deux témoignages de foi remarquables. Le premier venait d’un prêtre qui, pendant de longues années, avait été aumônier d’hôpital. En accompagnant les personnes, il les aidaient à passer de la détresse – Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? – à la foi confiante – En tes mains, Seigneur, je remets mon esprit. A son tour, il est tombé malade, mais il avait donné à sa vie l’orientation décisive de la foi. Aussi, dans un dernier souffle, il a eu ces quelques mots si lumineux (il était néerlandophone) : « Ja, ik geloof, en ik geloof graag ». Enfin, l’un des tout derniers écrits du P. Henri de Lubac, un petit billet dont j’ai pu lire un jour l’original écrit d’une main tremblante (1986)[2] : « Je crois en l’amour créateur et miséricordieux, manifesté en Jésus-Christ, dont l’Église nous transmet la foi. Je veux, jusqu’au bout, vivre et mourir dans la communion de tous ». Reconnaissez que le Seigneur est Dieu.


Voilà, frères et sœurs. Puisqu’il s’agit d’un « chant pour la route », nous pourrions le chanter ensemble, avec douceur mais avec conviction[3]. « Acclamez Dieu toute la terre / Servez-le dans l’allégresse / Venez à lui avec des chants de joie ! / Reconnaissez le Seigneur Dieu (bis) / Alléluia ! »

[1] Voir Alain de Boudemange, L’école de Jésus dans l’évangile de Matthieu (Analecta biblica 236), Rome, 2022. [2] Je remercie Marie-Gabrielle Lemaire, alors directrice des archives de Lubac, de m’avoir donné accès en mai 2013 à ce texte autographe. [3] Paroles légèrement arrangées du chant disponible sur : https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=acclamez+Dieut+toute+la+terre#fpstate=ive&vld=cid:c20b8c54,vid:-JUKdXxdKmo

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